Grégoire de Nysse invitait déjà à analyser la « philosophie du Cantique des Cantiques ». Comparé au Banquet de Platon, le poème biblique invite en effet à penser autrement le sens de ce qui advient par et dans l’amour.

Le Cantique dans la tradition philosophique

Si Le Banquet ou le Phèdre de Platon sont à l’honneur lorsqu’il s’agit de penser philosophiquement l’amour, force est de constater que le Cantique des cantiques est le plus souvent ignoré. La chose ne nous surprend plus tant nous sommes habitués à mettre le corpus biblique à part et à en faire l’objet d’un type de connaissance spécifique, la théologie.

Et, si la philosophie dialogue encore parfois avec cette théologie, c’est avec des théologiens – tels qu’Augustin ou Thomas d’Aquin par exemple – bien plus qu’avec les textes bibliques eux-mêmes. Un peu de recul historique doit cependant permettre de questionner cet état de fait. On le sait, la séparation de la philosophie et de la théologie n’a rien d’évident et ne s’est construite que récemment : longtemps, on a fait dialoguer Platon et Moïse, Aristote et Paul dans un unique effort de pensée. L’oubli, ou du moins la marginalisation, philosophique du Cantique peut donc être interrogée. En plongeant dans l’univers patristique, on découvre en effet que le Cantique a non seulement longtemps fait l’objet d’une lecture indistinctement philosophique et théologique, mais aussi que, loin d’être reçu comme un texte secondaire, relevant d’une forme de pensée poétique et en cela échappant à la stricte rationalité, il a été reçu comme suprêmement philosophique et rationnel. Grégoire de Nysse, par exemple, parle sans hésiter dans ses homélies d’une « philosophie du Cantique des cantiques » en en faisant un texte supérieur.

L’attribution du Cantique à Salomon (1,1) compte beaucoup dans cette réception philosophique. Salomon est en effet une figure sapientielle majeure de la Bible. [...]

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