L'amour d'alliance- - Lecture symbolique du Cantique des Cantiques

 Plusieurs passages du Cantique, probablement rédigés à des dates différentes, montrent que le langage de l’éros humain possède d’emblée un sens symbolique, notamment par les multiples références liturgiques et politiques qu’une exégèse détaillée permet de mieux comprendre.

Au cours des siècles passés, la plupart des exégètes ont discuté pour savoir si le Cantique des cantiques (ci-après le Cantique) est, dans son sens littéral, ou bien une description poétique du désir érotique mutuel entre un homme et une femme, ou bien une allégorie de l’amour de Dieu pour le peuple avec lequel il a fait alliance. En ce début d’un nouveau millénaire, un consensus inédit semble se dégager pour soutenir que les deux interprétations sont justifiées et compatibles. Le lyrisme amoureux exalte le mystère de l’amour divino-humain dans et à travers la réalité de l’éros humain. En un mot, le Cantique est théologique dans son sens littéral.

La visée théologique de l’auteur du Cantique apparaît au niveau diachronique aussi bien que synchronique. Rédigé à l’époque hellénistique, le Cantique manifeste une adhésion sans réserve à un « canon » qui reconnaissait dans l’amour conjugal un symbole de la relation d’alliance entre YHWH et Israël, telle qu’elle apparaît dans la Loi et les Prophètes (par exemple Osée 1 à 3 ; Jérémie 2 et 3; Ézéchiel 16) et dans certains autres écrits (comme le Psaume 45). Dans cette histoire d’amour divino-humain, dont le renouveau est espéré dans un avenir proche, la personne du Roi joue un rôle décisif en tant que représentant de Dieu ; et Jérusalem, en tant que ville du Temple, personnifie le peuple-épouse du Messie, c’est-à-dire Israël. Dans ce qui suit, je m’efforce de démontrer cette « unité de l’amour » entre l’éros divin et l’éros humain, en étudiant une sélection d’extraits du chant III du Cantique (3, 6 à 5, 1), dit du mariage de Salomon et généralement considéré comme le coeur de tout le livre. Je commencerai par un exemple de développement rédactionnel au sein du Cantique, afin de faire ressortir que celui qui écrit reprend une poésie amoureuse à la lumière de l’histoire de l’Alliance avant même que le texte atteigne la forme qui sera finalement retenue dans le canon des Écritures. En second lieu, j’esquisserai une exégèse de Cantique 3, 6-11 et 4, 12 à 5, 1, pour illustrer comment le vocabulaire foncièrement symbolique permet d’exprimer l’amour divino-humain dans le cadre de la réalité de l’éros humain et à travers celui-ci. Finalement, je proposerai une réévaluation du concept antique de symbole comme articulation herméneutique propre à intégrer la diversité des significations du Cantique. [...]

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