Texte « le plus sacré » des Écritures, le Cantique a été interprété dans la tradition juive comme l’allégorie du mariage entre Dieu et Son peuple. Il tient à ce titre une place particulière dans certains poèmes liturgiques (piyyoutim), à la fois pédagogie publique et aspiration à la présence de Dieu.

Introduction

Depuis l’Antiquité tardive (c. IIIe s.), le Cantique des Cantiques (Shir ha-Shirim) a été célébré et vénéré dans la pensée et la vie juives comme « le plus exemplaire » ou « le meilleur » des nombreux chants que le roi Salomon a composés (1 Rois 5, 12) − ce superlatif étant une interprétation spécifique du titre hébreu. D’autres lecteurs ont interprété le titre comme faisant référence au fait que l’oeuvre était elle-même composée de nombreux chants différents. Mais quelle est la signification des chants d’amour qui composent cette oeuvre ? Qui sont les locuteurs des dialogues, et comment interpréter la passion de leur amour et de leur désir ? Ses dialogues terre à terre et l’absence apparente de toute référence à Dieu ou à l’histoire sacrée d’Israël plongèrent dans l’embarras certains des premiers lecteurs. En réponse, Rabbi Akiba (c. 50-c. 135), dans une remarque célèbre faite lors d’une discussion sur le statut de l’oeuvre dans la Mishna, a affirmé que cette composition n’est pas seulement « sacrée » ou « sainte », comme toutes les autres oeuvres incluses dans le canon scripturaire mais qu’elle est qodesh qodashim, « la plus sacrée » de toutes. Et, de façon frappante, il ajouta qu’« aucun des âges n’a été aussi digne (kedai) que celui au cours
duquel le Cantique a été “donné” à Israël ».

Ainsi, avec cette remarque, nous avons la première indication que le Cantique était considéré comme une composition révélée ou divinement inspirée dont le contenu était une expression de la relation d’amour entre Dieu et Israël. Bien discerné, et tel qu’élaboré par des générations d’interprétation rabbinique, le Cantique s’est avéré coder l’histoire sacrée de l’ancien Israël. Et si le roi Salomon n’était pas lui-même l’auteur inspiré de cette oeuvre − qui transmet avec une verve créative les événements religieux de l’Écriture à travers une grande variété de tropes et de figures pastorales − lors ce titre se réfère à Dieu lui-même, le Roi des rois, puisque l’une des épithètes rabbiniques de la Divinité est qu’Il est « le Roi dont la paix (shalom) est la sienne » (cette désignation étant une explication théologique du nom de Salomon, Shelomo). Dans cette perspective également, le Cantique est un dialogue entre Dieu et le peuple d’Israël. [...]

Pour lire la suite de cet article, vous pouvez acheter ce numéro ou vous abonner pour recevoir les prochains numéros!