Un exemple des difficultés de l'exégèse coranique: le sens du mot sigha

Le terme sibgha est un mot d'origine syriaque, appartenant au vocabulaire des arabes chrétiens d'avant l'Islam, qui l'utilisaient pour signifier le « baptême » de l'eau, nécessaire pour effacer la tache originelle. Pour l'islam, l'homme a besoin du baptême de la foi, qui consiste, pour lui, à rendre témoignage de l'unicité divine. Car l'acte par lequel Dieu a créé l'homme le dispose naturellement à accepter la croyance en un Dieu unique, s'il n'en est pas détourné. Pour le musulman, le baptême chrétien par l'eau modifie donc et dénature l'acte créateur de Dieu, détourne de la vraie foi l'homme créé pour être musulman, et fait de lui un infidèle.



À l'intérieur de la Sourate de la Vache, on peut distinguer un groupe de sept versets (135-141) qui constituent une polémique entre Mahomet et les infidèles, juifs et chrétiens, au sujet du Dieu et de la religion d'Abraham. Au milieu de ce groupe, le verset 138, qui ne présente aucun lien logique avec ce qui précède et ce qui suit, vient rompre le cours de la discussion en interpolant ces mots entre les versets 137 et 139 :

138. « La sibgha de Dieu ! qui donc est meilleur que Dieu en sibgha? nous sommes Ses adorateurs ».

Le mot sibgha, par lequel débute le verset, présente des difficultés de compréhension qui ne laissent pas d'embarrasser les commentateurs et les traducteurs. Ce sont ces difficultés que je voudrais examiner ici, en m'appuyant sur sept commentaires arabes qui s'échelonnent du IX au XIV siècle et quatorze traductions françaises qui furent publiées entre 1647 et 1990.