n°81 La rémission des péchés Janvier - Février 1989*


Editorial : Jean-Robert Armogathe: Difficile pardon

Il semble aujourd'hui plus facile de guérir que de pardonner. Mais accepter d'être pardonné, n'est-ce pas encore plus difficile? C'est pour cela que, depuis la croix, Jésus a plaidé, auprès du Père, l'ignorance des pécheurs.

Problématique

Peter Henrici : Le péché : un mensonge

L'histoire du péché commence avec l'histoire de la liberté de l'homme : par un mensonge du serpent tentateur. Ce premier sens est contenu dans les autres noms du péché : tache, faute, transgression, culpabilité. Il est confirmé par le retour à la vérité opéré par la confession, le pardon et le rachat.

Rémi Brague : À tout péché, miséricorde

Pour être délivré du mal, il suffit de se reconnaître pécheur. Une fois pris en charge par une personne, et donc devenu péché, le mal est accessible au pardon. En remettant les péchés de quiconque accepte qu'ils lui soient remis, Dieu redonne la liberté de ne plus pécher, en rendant capable de vouloir le bien qu'Il est lui-même.

Hans-Urs von Balthasar (+) : Jésus et le pardon

Jésus a-t-il pardonné lui-même des péchés avec l'autorité de Dieu ? ll renvoie au pardon de Dieu, comme tous les prophètes avant lui. Mais il se sait aussi solidaire des pécheurs dont il porte le péché et dont il guérit les maladies, tout en allant vers son « heure », celle de la confession de tous les péchés sur la croix.

Gaston Fessard (+) : Le blasphème contre le Saint-Esprit

L'Évangile impose de tenir à la fois que tout péché est pardonnable et qu'un péché n'est pas pardonnable. On résout cette antinomie en montrant la nature véritable du péché contre l'Esprit, qui est la perversion du vouloir.

Intégration

Jean-Robert Armogathe : Le feu de saint Antoine

Le grand retable, transformations des Antonins d'Issenheim, présenté aujourd'hui au musée de Colmar, recèle un enseignement théologique et spirituel complexe. La tentation sous-tend la paix de l'âme, mais elle est elle-même sur le point d'être effacée par la présence rédemptrice.

Roland Hureaux : Ça ne pardonne pas

Cet essai d'humeur montre comment l'environnement technique distend la réception contemporaine de la loi morale. A trop penser l'exigence morale sur le modèle de la rigueur technique, c'est la possibilité même de la miséricorde qui se trouve exclue.

Frère Richard : Le pardon Infini en ressources

L'Ancien Testament savait déjà que Dieu veut pardonner. Dans le Christ, il rend effectif ce pardon et fournit à l'Église les moyens — la pénitence en premier lieu, mais sans oublier le baptême, l'eucharistie et la parole de Dieu — de le donner à tout pécheur. Au cours des siècles, ce pardon a pris des formes diverses pour mettre en valeur de plus en plus la gratuité absolue de ce don. Un renouveau de la confession, aujourd'hui passe par la reconnaissance de cette gratuité : Dieu pardonne, comme il crée, parce qu'il est Dieu.

William Marx : Sauvé d'une plume

Les voies de Dieu sont impénétrables. La preuve en est donnée par ce récit qu'il ne faudrait pas prendre trop à la légère, ni trop au sérieux, où tout est vraisemblable, mais qui n'a pas de clé...

Un curé de paroisse : Regarder l'amour en face

René, 38 ans, est mort du SIDA ; à ses obsèques, l'homélie de son curé témoigne des exigences et de la compassion qu'offre l'amour de Dieu.

Signets

Antonio Sicari: Thérèse d'Avila : l'expérience mystique au secours du dogme

Thérèse d'Avila, qui eut à lutter pour défendre les droits de la contemplation au sein même du Carmel, eut aussi à affronter un autre péril : celui que faisaient courir à l'Église des maîtres spirituels néo-platoniciens d'après lesquels il fallait dépasser l'humanité du Christ pour atteindre la contemplation de la pure divinité. Ayant elle-même été troublée un temps par ce courant de pensée, Thérèse mit fortement en garde ses filles contre lui : l'enjeu n'était pas seulement la contemplation, mais la médiation. du Christ continuée à travers les sacrements par celle de l'Église.

Erich Kock : La foi immédiate

La conversion n'est pas le résultat de la volonté ou de l'effort, mais l'enfantement d'un événement qui vient comme une heureuse surprise après une longue période d'incubation. C'est ce que montre le témoignage de nombreux convertis, de saint Paul à André Frossard, en passant par Paul Claudel et Thomas Merton, et bien d'autres, connus ou inconnus.

Denys Coutagne : Le crucifieur crucifié

L'homme Jésus est entré dans l'histoire de l'humanité par l'annonce faite de sa messianité et de sa divinité. Toute tentative de récrire l'histoire de Jésus ne l'atteint donc pas seulement comme n'importe quel personnage historique, mais d'abord dans sa mission et dans son être de Fils de Dieu. C'est ce qu'illustre, jusqu'au ridicule et à l'offense, le récent film de Scorsese.

Difficile pardon

Jean-Robert Armogathe

 

« Quel est le plus facile, de dire : "Tes péchés sont remis", ou de dire : "Lève-toi et marche"? » (Matthieu, 9, 5 et par.).

Pour les auditeurs du Christ, il était bien plus difficile de faire marcher un paralytique que de pardonner les péchés ; mais nos contemporains sont habitués, désormais, aux prouesses techniques, et ils répondraient peut-être à rebours des scribes de Capharnaüm. Les horreurs que notre siècle a connues rendent bien plus difficile la pensée du pardon. L'évolution mérite réflexion.

Il est, me semble-t-il, un mystère encore plus profond que le mal subi par l'innocent : celui du mal que je commets moimême. L'incompréhensible chemin qui me conduit au péché, et que saint Paul a, une fois pour toutes, balisé si intensément, constitue en effet l'énigme la plus opaque à mon regard intérieur : « Je ne comprends pas ce que je fais ; je ne fais pas ce que je veux, mais je fais ce que je hais, et même quand je veux faire le bien, c'est le mal qui se présente à moi » (Romains 7, 15-21). Le mal que l'on commet est encore plus inacceptable que celui que subit l'innocent.

Et pourtant, en droite logique, il est encore quelque chose de plus incompréhensible, de plus inadmissible que le péché : c'est le pardon. Comment comprendre que puissent être rétablis l'ordre troublé, la pureté brisée, l'alliance rompue ? Car il s'agit de plus que d'une attitude subjective (« je te pardonne »), et le mot « rémission » désigne bien le rétablissement de l'état précédent, l'annulation de la dette, l'amnistie de la faute. Quel effet miraculeux de la toute-puissance de Dieu peut opérer cette restauration ?

Le dialogue entre Jésus et le (bon) larron permet de répondre : c'est la mort qui est cette puissance. La mort de Jésus dans le supplice, mais aussi la mort du larron : «Aujourd'hui, tu seras avec moi dans le Paradis » (Luc 27, 43). C'est le seul cas où la rémission des péchés, dans le don de la mort, met un terme au dur combat de la foi. Par ailleurs, la rémission permet d'entrer, avec Jésus, dans ce combat : elle engage le pécheur réconcilié aux côtés de Jésus pour l'affrontement avec le mal.

« ...Ils ne savent pas ce qu'ils font » : par ces mots, Jésus ne se contente pas de demander le pardon ; il veut que le Père tienne les hommes pour innocents. C'est pourquoi la rémission est bien plus que le pardon, et découvre, dans son inexplicable absurdité, l'amour infini dont nous sommes aimés. Innocents aux yeux de l'Innocent qui meurt dans les souffrances ; innocents parce que le Fils, en prenant tout péché sur lui, nous a retiré toute connaissance du péché. L'Innocent a pris sur lui nos péchés, et notre innocence, acquise au prix de son sang, nous introduit avec lui auprès de Dieu, « dans le Paradis ». Le curé d'Ars, parlant de la Rédemption, disait que « nous n'aurions pas pu imaginer cela» : l'inimaginable, en effet, n'est pas que nous soyons pardonnés, mais que nous devenions « blancs plus que neige » et que Dieu puisse rendre à nos coeurs et à nos oreilles « le son de la joie et de la fête » (Psaume 51) !

Antonio Sicari: Thérèse d'Avila : l'expérience mystique au secours du dogme

Thérèse d'Avila, qui eut à lutter pour défendre les droits de la contemplation au sein même du Carmel, eut aussi à affronter un autre péril : celui que faisaient courir à l'Église des maîtres spirituels néo-platoniciens d'après lesquels il fallait dépasser l'humanité du Christ pour atteindre la contemplation de la pure divinité. Ayant elle-même été troublée un temps par ce courant de pensée, Thérèse mit fortement en garde ses filles contre lui : l'enjeu n'était pas seulement la contemplation, mais la médiation. du Christ continuée à travers les sacrements par celle de l'Église.

Erich Kock : La foi immédiate

La conversion n'est pas le résultat de la volonté ou de l'effort, mais l'enfantement d'un événement qui vient comme une heureuse surprise après une longue période d'incubation. C'est ce que montre le témoignage de nombreux convertis, de saint Paul à André Frossard, en passant par Paul Claudel et Thomas Merton, et bien d'autres, connus ou inconnus.

Denys Coutagne : Le crucifieur crucifié

L'homme Jésus est entré dans l'histoire de l'humanité par l'annonce faite de sa messianité et de sa divinité. Toute tentative de récrire l'histoire de Jésus ne l'atteint donc pas seulement comme n'importe quel personnage historique, mais d'abord dans sa mission et dans son être de Fils de Dieu. C'est ce qu'illustre, jusqu'au ridicule et à l'offense, le récent film de Scorsese.


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