L’auteur discute la thèse de l’égyptologue Jan Assmann selon laquelle le monothéisme serait, sinon intrinsèquement violent, du moins porteur d’une violence possible. Or si la rupture mosaïque a le mérite d’introduire une exigence plus ferme de vérité et de justice, il n’est pas certain qu’elle résume à elle seule la Révélation. L’élan mystique du christianisme, par sa dimension englobante et unitive, permet aussi d’intégrer plus justement ce que la rupture monothéiste semblait avoir perdu.
1. Introduction
Avec la thèse de la rupture mosaïque, Jan Assmann a mis au jour un point sensible dans la tradition judéo-chrétienne et, dans son sillage, la tradition islamique. En témoignent les nombreuses réactions du côté juif et chrétien, tantôt objectives, tantôt polémiques. En ce qui concerne la théologie islamique, je n’en connais pas de prises de position, bien que là-bas précisément, la question de la violence semble devenir actuellement particulièrement virulente.
Si l’on étudie l’oeuvre riche et variée d’Assmann, se pose en effet la question de savoir si le thème de la violence est encore le point capital dans la discussion. Il est apparu rapidement, et Assmann l’a exprimé clairement, qu’il n’en allait pas fondamentalement seulement de la différence entre le vrai et le faux, mais aussi et avant tout de la différenciation entre Dieu et le monde. Plus précisément, ces deux différenciations dépendent l’une de l’autre et ont manifestement, dans la figure du monothéisme exclusif, donné libre cours à une histoire problématique des effets de la violence. Selon les termes de Jan Assmann : « C’est de ce monothéisme révolutionnaire, exclusif, dont nous devons nous occuper ici. C’est le seul qui repose sur la distinction entre vraie et fausse religion, et que j’ai appelé la rupture mosaïque et derrière laquelle se trouve, en dernière instance, la distinction entre Dieu et le monde1. »
Comme l’exprime le concept de « rupture mosaïque », cette question relève tout d’abord du domaine des spécialistes de l’Ancien Testament. Jan Assmann a examiné de manière intensive et détaillée les textes vétéro-testamentaires et l’histoire de la religion d’Israël. La discussion conduit en même temps au coeur de la théologie systématique, de la dogmatique et de la philosophie. Est avant tout visée la théologie de la création et de la révélation. Enfin il s’agit de notre représentation de Dieu. [...]
1 Jan Assmann, Le prix du monothéisme, Aubier, 2007.