Saint Augustin et la paix de la cité

Mme. Émilie TARDIVEL
La paix - n°257 Mai - Aout 2018 - Page n° 61

Conquête toujours partielle et provisoire, la paix de la cité apparaît, dans la Cité de Dieu de saint Augustin, comme une sorte de « zone grise » entre la guerre et la paix céleste, dont la pax romana offre une illustration. Manifestation de la charité dans le monde, les chrétiens sont appelés à en faire bon usage, ce qui n’implique pas seulement ni toujours de respecter l’ordre établi, mais aussi d’avoir un rapport critique à l’ordre, surtout quand celui-ci nie la condition de l’ordre – la séparation des ordres.

 

« La paix relève de la volonté, la guerre de la nécessité, pour que Dieu nous libère de la nécessité et nous conserve dans la paix. On ne cherche pas en effet la paix pour faire la guerre, mais on fait la guerre pour acquérir la paix ; lorsque tu fais la guerre, sois donc pacifique pour que ceux que tu combats soient conduits par ta victoire à reconnaître l’utilité de la paix1 ».

Dans un article sur « Saint Augustin et la guerre », Charles Piétri écrit que l’évêque d’Hippone est un « théologien de la paix2 ». Commentant cette affirmation, Jean-Robert Armogathe précise ce qu’il faut entendre par cette théologie augustinienne de la paix : « [L]a théologie [de saint Augustin] se construit tout entière autour de la charité, dont la paix est la manifestation actuelle dans notre cité » ; et d’ajouter : « La paix [de saint] Augustin est de l’ordre de la justice. Elle se conquiert, se maintient, se gagne3. »

Ce commentaire pourrait tout d’abord nous surprendre, puisqu’il aboutit à identifier, chez saint Augustin, un « dynamisme de la paix4 », alors qu’une tout autre définition de la paix, assimilée non pas au mouvement, mais tout à l’inverse au repos, traverse les Confessions, du poème d’ouverture, « notre coeur est sans repos / tant qu’il ne repose en toi », au poème final, « Seigneur Dieu, / Donne-nous la paix / – puisque tu nous as tout donné – / la paix du repos, la paix du sabbat, / la paix qui n’a point de soir5 ».

S’appuyant sur une lecture de la Cité de Dieu, et non des Confessions, la formule de Jean-Robert Armogathe n’en est pas moins éclairante pour toute l’oeuvre de saint Augustin. Car c’est dans la Cité de Dieu que [...]

 

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1 Saint Augustin, Lettre 189, 6. Cité par J.-R. Armogathe dans Les enjeux de la paix. Nous et les autres XVIIIe-XXIe siècle, Pierre Chaunu (dir.), Paris, P.U.F., 1995, p. 188. Saint Thomas cite et approuve cette lettre dans la Somme théologique, IIa IIae q. 40, a. 1. Pour une application historique de la théologie augustinienne de la paix, voir notamment la remarquable et courageuse conférence d’Étienne Gilson, prononcée le 9 décembre 1939 au Cercle Universitaire de Montréal, où il dénonce le « pacifisme élémentaire » d’un grand nombre de catholiques américains : « L’Europe et la paix », Revue trimestrielle canadienne, n°26, 1940, p. 27-43, citée dans le présent cahier, p. 71 sv.

2 C. Piétri, « Saint Augustin et la guerre », Les Quatre Fleuves, 19 (repris dans Charles Piétri, historien et chrétien, Paris, Beauchesne, 1992, p. 140).

3 J.-R. Armogathe, « Éléments pour une théologie de la juste paix », dans Les enjeux de la paix, op. cit. p. 187-188.

4 Ibid., p. 188.

5 Confessions, I, 1, BA, t. 13, p. 273 ; XIII, 35, BA, t. 14, p. 521.


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