La pauvreté du monde

Peter SCHMIDT
La création - n°3 Janvier - Février 1976 - Page n° 2

Problématique

 L'appel évangélique à  la pauvreté nous apprend que nous sommes pauvres, de fait : tout nous a été donné, nous sommes créés : c'est la source de notre joie.

Les pages 2 à 8 sont jointes.

LORSQUE la tradition synoptique rapporte la réponse de Jésus au scribe qui lui demande quel est le premier commandement, elle ajoute à la citation du fameux précepte deutéronomique une petite variante remarquable. « Ecoute, Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée et de toute ta force » [[Cf. Marc 12,30 ; Matthieu 22,37 ; Luc 10,27. Le verset original, Deutéronome 6,5, cité d'après la traduction grecque de la Septante, ne contient pas l'expression « ... de toute ta pensée ». Les termes « dianoia », et encore plus « sunesis » (employé dans la répétition du précepte, Marc 12,33) portent sur l'intelligence au sens général, l'action de comprendre, l'entendement.]]. Tu aimeras ton Dieu de toute ta pensée. Admirable devise pour le chrétien qui veut penser sa Foi ! L'audacieux paradoxe me semble en effet caractériser à merveille la tâche primordiale de toute réflexion croyante. Celle ci n'est pas un mauvais roman à thèse. Son premier objectif n'est pas de « prouver » son objet contre les réfutations possibles. Il s'agit bien plutôt d'intégrer l'homme pensant dans l'acquiescement au message de ce Dieu qui, en Jésus Christ, s'est révélé comme salut du monde. Car la raison humaine partage, au niveau qui lui est propre, l'aspiration profonde de l'homme total au salut. Elle n'acceptera en définitive pour vraies que les vérités qui lui permettent de mieux pénétrer le sens de la vie vécue. Ce qui a valeur de salut pour l'homme est vrai [[Nous employons le vocable « salut » pour résumer tout ce qui contribue à la réalisation finale du sens de la vie.]]. Ainsi, parler de la création, ce n'est pas essentiellement faire de l'apologétique, ni élaborer une théodicée ou une preuve de l'existence de Dieu, ni fournir une réponse aux questions concernant l'origine du monde ou l'évolution. Non que ces questions soient étrangères au problème de la création. Au contraire,(p.2) elles sont nécessaires comme préambule et d'ailleurs inévitables , niais elles ne sont que le vestibule de l'édifice. Pour accéder à la vérité intérieure du message de la création, il importe de scruter la dimension salvifique qui s'y exprime. Qu'est ce que la notion de création apporte à notre perspective de vie ? Qu'est ce que le message d'un Dieu créateur et d'un univers créé change au sens ultime de notre existence ? Voilà le niveau de vérité auquel la raison croyante cherche une réponse à ses questions. La Foi veut penser Celui qu'elle aime.

Dans la pauvreté, nous retrouvons notre existence comme un don de Dieu.

 Le Christ parle de la création d'une façon plutôt singulière. Que Dieu soit le créateur et l'homme sa créature, il n'en discute jamais, mais l'idée est constamment présente dans son évangile et constitue en quelque sorte la toile de fond de son message de pauvreté. Jésus ne cherche pas d'arguments pour prouver la création, il en enseigne simplement les conséquences pour celui qui veut entrer dans le Royaume des Cieux.

A une époque où les idéologies sociales et les systèmes économiques s'entrechoquent et chancellent, nous nous rendons compte, à nos dépens, de l'injustice qui s'est accumulée dans le monde en même temps que les richesses, et qui se retourne contre nous. Le bonheur de l'humanité n'est manifestement pas assuré par certains idéaux que l'homme moderne s'est acharné à atteindre durant les dernières décennies. En occident, un dicton banal comme « l'argent ne fait pas le bonheur » nous montre aujourd'hui un visage quasi cynique. Dans un tel contexte, le message évangélique de pauvreté retentit avec une force nouvelle. Alors que des continents entiers en détresse nous crachent à la figure la faillite d'un matérialisme effréné, une inspiration renouvelée jaillit du conseil toujours vivant du Christ. « Heureux les pauvres en esprit ! » proclame Jésus [[Matthieu 5,3. Ou « les pauvres de coeur », comme traduit la TOB.]], condamnant l'adoration des fausses valeurs et invitant tout homme à choisir la voie du détachement au service de la justice et de la charité.

 

Néanmoins, on aurait tort de ramener la parole du Seigneur au niveau exclusif d'un conseil éthique, voire psychologique. Le Christ ne fait pas que prôner une attitude, fût elle nécessaire pour entrer dans le Royaume. Certes, il appelle tous ceux qui veulent être ses disciples à s'engager dans une perspective de vie nouvelle, mais l'exigence contenue dans l'exclamation « Heureux les pauvres ! » n'est que la conséquence d'une affirmation plus profonde. Si Jésus proclame que la pauvreté est un idéal auquel il faut aspirer et il le proclame sans aucun (p.3) doute, ce n'est toutefois pas là que nous trouvons l'aspect le plus essentiel ou le plus vital de la première béatitude. On comprendrait mal le texte si on le lisait comme suit : « En réalité nous sommes riches, et le Christ nous demande de nous défaire de ce que nous sommes, afin de devenir pauvres. » Cela voudrait dire : sortons de notre situation réelle, forçons nous à nous détacher de nous mêmes, faisons un effort de kénose pour être admis au Royaume des Cieux. Le point de vue sous lequel on a abordé l'idéal de pauvreté évangélique a parfois été d'une ascèse mal comprise (comme fin en soi !), et donc pseudo chrétienne. Vue sous cet angle, la pauvreté apparaît comme un acte forcé, une sorte d'autodestruction, où l'homme se défait d'une valeur positive afin de plaire à Dieu. En fait, on se trouverait là devant la vieille image païenne du Dieu jaloux, vindicatif, qui ne supporte pas le bien être ni la grandeur des humains, qui exige une sorte d'automutilation spirituelle en offrande à sa gloire. C'est bien là le Dieu concurrent de l'homme et il le sera toujours, si l'idéal de pauvreté reste interprété comme la descente d'un palier supérieur à un palier inférieur. Car, dans ce cas, la pauvreté consiste tout simplement à diminuer notre autoréalisation pour augmenter la gloire de Dieu. Gloire douteuse, et qui ne risque pas d'augmenter les chances de survie du sermon sur la montagne !

Pour comprendre la profondeur du message évangélique de la pauvreté, il faut retourner radicalement le point de vue. L'idéal de pauvreté chrétienne ne consiste pas à nous défaire de ce que nous sommes, pour aboutir à ce que nous ne sommes pas encore. Il s'agit au contraire de nous détourner d'une situation irréelle, pour revenir à ce que nous sommes en réalité. Avant d'être un impératif, les paroles et l'exemple du Christ sont un indicatif. La pauvreté n'a pas de valeur en soi. Pour être un idéal évangélique, il faut que l'esprit de pauvreté nous rapproche, plus que le reste, de ce que l'homme doit être pour être pleinement homme. De notre réalité d'homme. Dans le sermon sur la montagne, Jésus nous parle de cette réalité. Son message porte sur le fond même de notre être. En disant : « Soyez pauvres », il dit en premier lieu : « Vous êtes pauvres ». C'est là la raison foncière de son précepte. Ce que nous devons faire n'est que la conséquence de ce que nous sommes.

 

La première béatitude rejoint d'ailleurs la tradition des « Pauvres de Jahweh », que l'on retrouve dans les psaumes et les prophètes [[Les « anewey Jhwh », qui sont les pauvres, les déshérités, les opprimés, les affligés. P. ex. Isaïe 10,2 ; 32,7 ; Jérémie 22,16 ; Psaume 40,18 ; 69,33. Les « pauvres » sont aussi les humbles et justes. Cf. Psaume 18,28 ; Sophonie 3,12.]] ces pauvres qui ne mettent pas leur espoir en eux mêmes, ni dans leur position puissante au sein du monde. La vie, le salut, le bonheur, ils les attendent de Dieu seul. C'est pourquoi l'Écriture les loue, et Jésus nous est présenté comme le pauvre de Jahweh par excellence. En effet, l'attitude du pauvre met en lumière la vérité de l'homme. Être pauvre de (p.4)coeur, cela veut dire avant tout : avoir conscience de sa pauvreté effective. Pauvres devant Dieu, nous le sommes. L'attitude de possesseur est une attitude fausse, et mensonger l'esprit de richesse. Vivre en riche, c'est ne pas voir la réalité. Le message de pauvreté touche le noyau de la vie, parce qu'il nous révèle notre situation réelle. Par là, il creuse beaucoup plus en profondeur qu'aucune approche psychologique ou même éthique du détachement. Il s'agit du niveau ontologique de notre existence : l'homme est pauvre devant Dieu. Pauvre, c'est à dire ayant reçu et ayant à recevoir. La vie, le sens ultime de l'existence, le salut, tout cela est don. Nous sommes radicalement indigents. Notre être même est reçu dans ce qui le constitue comme être. Voilà le roc sur lequel s'érige l'évangile de la pauvreté. Une vision semblable se trouve à la base de l'esprit d'enfance. « Si vous ne devenez comme les enfants, non, vous n'entrerez pas dans le Royaume des cieux » (Matthieu 18,3). Là non plus, il ne s'agit pas en premier lieu d'adopter J'attitude psychologique de l'enfant. (D'ailleurs, la psychologie moderne nous révèle que les perversions de l'âge adulte sont pour la plupart déjà présentes dans la psyché de l'enfant.) Non, le Christ nous rappelle notre situation « objective » devant Dieu et son Royaume. L'enfant est l'être par excellence qui vit de ce qu'il reçoit. Devenir comme les petits enfants signifie donc : vivre dans la conscience que notre situation par rapport au Royaume de Dieu est analogue à celle des enfants par rapport à leurs parents et à tout ce qui leur permet de vivre. Pour entrer au Royaume des cieux, il faut avoir l'humilité de le recevoir des mains de Dieu. Si le Christ prêche la pauvreté et la vit, c'est qu'il veut rappeler, pour le traduire sur le plan existentiel, le premier énoncé de la Bible : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». Cet exorde grandiose grave d'emblée dans la mémoire et dans le coeur la première de toutes les vérités : Dieu est Dieu tout le reste est Sa création. Est don. Mais n'est ce pas le propre du don de se révéler précisément comme don ? C'est à dire : de renvoyer à celui qui donne ? N'est ce pas le fait d'être donné par quelqu'un qui fait que le don est don ? C'est bien la relation à un autre qui fait du don ce qu'il est. Un simple exemple suffit pour l'illustrer. Lorsqu'un homme offre un bouquet à sa femme, le jour de son anniversaire, pourquoi est elle heureuse ? Pour le bouquet ? Certainement, mais dans la mesure où celui ci est signe de l'amour que lui porte son mari. C'est lui même qui se donne dans les fleurs. Les roses ne sont vraiment ce qu'elles doivent être que dans la mesure où elles renvoient à celui qui les donne. Plus il est signe de l'affection réciproque, plus le cadeau est cadeau. Plus donc le don dirige le regard vers celui qui le donne, plus il réalise sa propre essence.

Bien que souffrant un peu de la claudication traditionnelle des comparaisons, notre exemple fournit une certaine analogie avec la relation des êtres créés au Créateur. Plus en effet un être créé renvoie au Créateur, (p.5) plus il révèle sa propre essence : celle d'être créature. Mais l'inverse est vrai aussi : il faut que la créature se réalise pleinement comme créature, pour découvrir sa relation avec celui qui est son auteur. Le premier verset de la Genèse nous l'apprend : le monde ne tient pas sa valeur ni son sens de lui même, mais de Celui de qui il tient son existence. Dieu est l'alpha et l'oméga du monde. Plus le monde se révèle monde, plus Dieu se révèle Dieu.

 

Les béatitudes se présentent en quelque sorte comme une explicitation de cette profonde vérité. Heureux celui qui se sait pauvre. Heureux donc celui qui ne bâtit pas sa vie sur ce qui n'est pas l'essentiel. Heureux celui qui n'attend pas son bonheur de ce qui n'est pas en mesure de le lui procurer : la violence, la puissance, les richesses, le plaisir... Si la vie est don de Dieu, c'est Dieu qui donne la vie et ceci n'est pas une tautologie ! Si notre être même est un cadeau de sa main, c'est bien lui qui en est le sens et le bonheur. C'est lui enfin, notre unique richesse. L'attitude de pauvreté est la seule bonne attitude, parce qu'elle est la seule vraie. Elle seule rend à l'univers son visage authentique.

Le péché n'est rien d'autre que le refus radical de la vérité ontologique de l'univers et de l'homme. Dans le péché, l'homme, créature de Dieu, se fait lui même Dieu. Ce qui est second la création devient primordial. Ce qui n'est pas Dieu monte sur le trône, s'installe au Saint des Saints, et l'homme se prosterne devant des idoles [[Cf. Romains 1,25 : « Ils ont échangé la vérité de Dieu contre le mensonge, adoré et servi la créature au lieu du Créateur. » La colère des prophètes contre l'idolâtrie des Israélites se nourrit de la même idée constante : l'homme adore comme son Dieu ce qui ne l'est pas. C'est le seul, mais suprême blasphème.]]. Le sermon sur la montagne, à la suite des prophètes, proclame : il n'y a qu'un Être absolu, il n'y a qu'une valeur absolue. Il n'y a que Dieu qui soit Dieu. Et Jésus d'en tirer les conséquences : aucune valeur créée n'est telle qu'on ne puisse la perdre pour Dieu. Car celui qui donne a plus de valeur que le don. De là les attitudes du Christ, et ses paroles. Pour être son disciple, il faut savoir quitter tout. Le Seigneur veut nous rendre la signification plénière de notre existence. Mais le refus qu'est le péché étant incrusté dans la situation historique de chaque homme, les béatitudes nous exhortent à un engagement pratique. Il faut faire le pas ! Pour redécouvrir sa vérité ontologique, donnée dans le plan initial de la création, il faut que l'homme passe par le déchirement de la pauvreté. Esclave, par le péché, de valeurs illusoires, il doit se libérer de ses chaînes en les brisant. Passer par des moments de pauvreté effective est une condition sine qua non pour rétablir la relation originelle de l'enfant au Père. Lorsque l'homme se détournera délibérément de ses idoles (et notre plus grande idole, c'est nous mêmes), il pourra recevoir à nouveau, et avec une joie toute neuve, la création entière comme don des mains de Dieu. Passer par ce dépouillement pénible, s'engager dans le sentier étroit, voilà ce qu'implique (p.6)l'appel de Jésus quand il nous invite à le suivre. Marcher dans les pas du Seigneur revient à perdre la vie pour la gagner, à se charger de sa croix. « Qui ne se charge pas de sa croix et ne me suit pas n'est pas digne de moi. Qui aura assuré sa vie la perdra et qui perdra sa vie à cause de moi l'assurera » [[Matthieu 10,38 39. Voir également Luc 14, 25 33.]]. La croix est le message de pauvreté par excellence. En elle éclate le scandale des valeurs humaines détruites, scandale qui paradoxalement nous ramène à l'unique valeur absolue : Dieu. La croix du Christ est à tout jamais la plus terrible critique de l'absoluité du monde [[ Sur la croix, Jésus a connu la pauvreté dans sa chair jusqu'à la torture et l'ignominie, et dans son esprit jusqu'à l'expérience de l'abandon, de l'absence de tout appui. Le cri « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » est le cri de quelqu'un qui se jette dans les bras de Dieu dans un acte de confiance totale. Vide de tout ce qui n'est pas Dieu, n'ayant plus rien sur quoi s'appuyer pour percevoir la portée de son acte, Jésus s'abandonne à son Père, dont il ne sent même plus la présence, uniquement parce que Dieu est Dieu. L'univers entier est incapable de remplir de sens l'anéantissement de cet homme sur la croix. C'est par sa critique exhaustive (au sens étymologique du mot) du monde que la croix exige la présence de Dieu. Saint Paul a très bien compris le point critique du scandale : si le Christ n'est pas ressuscité c'est à dire si Dieu n'est pas présent au delà de cette vie humaine anéantie , si la kénose du Christ aboutit au néant, quelle horrible farce que le message de la croix ! (Cf. 1 Corinthiens 1, 18 25 et 15, 12 20).]].

 

En écrivant cela, nous répétons simplement ce que l'on nous avait toujours appris : que le Christ, nouvel Adam, a restitué ce que le premier Adam avait détruit. Ce que le péché refuse, le Christ en croix l'accepte. Ce que l'homme adorateur de soi même et du monde nie, les béatitudes le proclament : Dieu est Dieu, et nous sommes sa création. Parole de pauvreté, parole de Genèse [[Ainsi s'avèrent profondément vraies les paroles de Matthieu 5, 17 : « N'allez pas croire que je sois venu abroger la Loi ou les prophètes. Je ne suis pas venu abroger, mais accomplir. » L'évangile accomplit l'intention de base de l'ancienne Thora : établir l'homme en sa vérité devant Dieu.]]. Soyons pauvres, car nous le sommes. Soyons enfants, car nous le sommes. Le reste n'est que mensonge, égoïsme radical du péché, qui ne conduit nulle part. En effet, si le Créateur est la seule valeur absolue, si la réalisation la plus haute de la créature consiste à se vivre comme don, à quoi sert il de se démener pour des idéaux qui restent en dessous de la réalité ? Le Christ ne déprécie nullement les valeurs créées. Au contraire, il leur rend leur prix réel, en enseignant ce qu'elles sont : don de Dieu, et non pas fin en soi. C'est comme don de Dieu que l'univers se réalisera non pas comme Être absolu. Si la recherche de l'Absolu engage l'homme dans un chemin qui l'en détourne, ne poursuivra t il pas le vide ? La Bible n'a pas tort, en ce sens, de lier le péché et la mort. Le renversement de l'ordre réel des valeurs, fausse révolution copernicienne, ne mène nulle part. L'homme cherche la Vérité et la Vie là où il ne peut les trouver. Il ne les trouvera pas.

 

La pauvreté évangélique touche le fond de notre être. Le Christ perdant la vie sur la croix nous l'apprend : ce n'est qu'en reconnaissant Dieu seul comme Dieu que l'homme, cessant de poursuivre de vaines idoles, trouvera la Vie. La pauvreté n'est pas une autodestruction, mais au contraire la réalisation totale de soi. L'homme accomplit sa destinée humaine là où il se donne à Dieu. Plus Dieu est Dieu, plus l'homme est homme. C'est l'idée même de la création.

 

La Création est relation

En langage plus académique, l'attitude du Christ implique donc une négation de l'aséité du monde. Nous nous trouvons là devant une des voies par où le christianisme entend rejoindre la recherche philosophique de la vérité. L'économie révélée du salut a son mot à dire au sujet du problème de la relation du monde à l'Être. L'idée biblique. et chrétienne de la création comporte un choix de la raison humaine pour la contingence du monde. Le monde n'est pas l'Être Absolu, il n'est pas nécessaire, ni par soi. La réflexion chrétienne n'accepte pas que la thèse de la nécessité et de l'absoluité de l'univers en général soit une solution adéquate au problème de la contingence des êtres distincts. Certes, le monde est, et il est réellement, mais il n'est pas l'Être en totalité. Il est par un Autre. Cet Autre, Être par soi, lui, est cause de l'existence et par conséquent du sens des êtres contingents. Nous ne voulons pas trancher ici cette grave question métaphysique, ni en développer la problématique. Nous tâchons simplement de circonscrire ce que la pensée croyante comprend par la création, et surtout d'en dégager le sens vital [[Ceci n'est pas une fuite devant les difficultés. Seulement, le problème de la contingence et de la nécessité de l'univers demanderait un développement qui déborderait le cadre de cet article. Il suffit de rappeler que la Foi, en affirmant que le monde dépend de Dieu, fait une option philosophique. La contingence et l'historicité des êtres distincts peut être constatée, mais il est difficile d'en tirer, avec certitude, une conclusion en ce qui concerne la contingence ou nécessité de l'univers. Les systèmes panthéistes optent pour un univers absolu et nécessaire (ce qui fait dire à un Cl. Tresmontant que le système cosmologique de l'athéisme marxiste est en fait panthéiste), tandis qu'existe aussi la vision d'un monde contingent, mais sans Dieu créateur (Cf. p. ex. L'Etre et le Néant de J. P. Sartre). La science jusqu'ici n'est pas capable de fournir la réponse. D'ailleurs, le sera t elle jamais ? Pénétrer la structure du monde n'est pas la même chose que rendre compte de l'être du monde ! Ce le serait peut être dans un monisme idéaliste, mais là aussi nous nous trouvons devant une interprétation de l'être qui ne pourrait se vérifier qu'à la fin du devenir historique. La Foi par contre affirme que la fin de l'histoire est déjà réalisée par anticipation dans la Résurrection du Christ et c'est précisément la Résurrection qui fonde définitivement le choix de l'Église pour l'idée d'un monde créé et d'un Dieu créateur.]]. La notion fondamentale de la création est donc la notion d'une relation. Le monde existe comme relatif à un Autre. On ne pensera donc pas la création en termes de production ni de fabrication. C'est là une représentation trop simpliste de l'acte divin qui cause notre existence. En disant (p.8) .........

 

Peter SCHMIDT


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