Intégration
Guy BEDOUELLE, o.p.
Le thème augustinien des deux cités a structuré la réflexion occidentale sur les rapports entre l'église, la puissance temporelle et le royaume de Dieu. Utilisé pour rendre compte de la réalité de la chrétienté, il a subi différentes distorsions où le Royaume semblait comme confisque anticipe ou repoussé, sans que soit maintenue l'intuition d'Augustin d'une Cité de Dieu dont le pèlerinage sur cette terre manifeste que le Royaume et le Règne sont déjà mystérieusement et réellement présents.
Le désir de voir Jérusalem. Histoire du thème des deux cités
Bien qu'il soit formulé dans le langage le plus populaire et le plus imagé qui soit ( le levain, la graine, l'arbre...)- ou peut-être à cause de cela même - l'enseignement du Christ dans l'Evangile sur le Royaume ou le Règne de Dieu, disons la Basileia, a entrainé une multitude d'interprétations souvent divergentes, sinon contradictoires. On pourrait d'ailleurs soutenir que la trame même de l'histoire du christianisme est tissée de ces compréhensions successives avec leurs vérités partielles , mais aussi des malentendus qu'elles ont engendrés dans les rapports que les chrétiens ont entretenus avec le "monde" , la "société", "l'Etat" ou le "pouvoir".
Toutefois tant que l'Eglise s'est heurtée à un pouvoir clairement hostile ou du moins nettement indifferent, la doctrine demeurait relativement simple. Elle se fondait sur une application stricte de l'obéissance déterminée par Romains13,1-7, tempérée - au risque du martyre - de la clause qui obligeait parfois " à obéir à Dieu plutôt qu'aux hhommes" ( Actes4,19).
Dans l'Eglise pré-théodosienne ( car c'est le règne de Théodose, de 379 à 395, qui est décisif pour la paix de l'Eglise et la christianisation de l'Empire, et non celui de Constantin comme on le dit par habitude), la distinction entre les deux Royaumes , les deux Empires, était claire. Elle apparait , avec toutes ses conséquences douloureuses , dans le cas tragique du règne de l'empereur aposat Julien ( 361-363). Comme le rappelle encore S. Augustin: "Julien était un réprouvé qui adorait les idoles, et il y avait pourtant des soldats chrétiens dans l'armée de cet empereur...
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