Joseph Ratzinger BENOÎT XVI
La Joie
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n°174
Juillet - Aout
2004 - Page n° 107
LORSQUE commença le débarquement des troupes alliées dans la France occupée par la Wehrmacht allemande, le 5 juin 1944, ce fut pour les gens du monde entier, mais également pour une très grande partie des Allemands, un signal d’espérance: que viennent bientôt la paix et la liberté en Europe. Qu’était-il arrivé? Un criminel et ses comparses avaient réussi à prendre le pouvoir de l’État en Allemagne. Et cela créa une situation où, sous la domination du Parti, le droit et l’injustice s’imbriquaient l’un dans l’autre et souvent passaient, presque inséparablement, l’un dans l’autre. Car le régime conduit par un criminel exerçait aussi les fonctions classiques de l’État. Il put ainsi, en un certain sens, exiger l’obéissance de droit des citoyens et le respect vis-à-vis de l’autorité de l’État (Romains 12,1ss!), mais il utilisait en même temps les instruments du droit comme instruments de ses buts criminels. L’état de droit lui-même, qui continuait en partie à fonctionner sous ses formes habituelles dans la vie quotidienne, était devenu en même temps une puissance de destruction du droit: la perversion des ordres qui devaient servir la justice et en même temps consolidaient et rendaient impénétrable la domination de l’iniquité, signifiait au plus profond une domination du mensonge, qui obscurcissait les consciences. Au service de cette domination du mensonge, il y avait un régime de la peur, dans lequel personne ne pouvait faire confiance à autrui, parce que tout un chacun devait, d’une certaine manière, se protéger sous le masque du mensonge. Pareil masque servait à se protéger soi-même, mais contribuait d’autre part à renforcer le pouvoir du mal. Aussi fut-il de fait nécessaire que le monde entier intervienne pour faire sauter l’anneau de l’action criminelle, pour rétablir la liberté et le droit. Qu’il en ait été ainsi, nous en rendons grâces en cette heure, et ce ne sont pas seulement les pays occupés par les troupes allemandes et livrés de la sorte à la terreur nazie, qui rendent grâces. Nous-mêmes, Allemands, nous rendons grâces de ce que, à l’aide de cet engagement, nous avons recouvré la liberté et le droit. S’il y a eu jamais, dans l’histoire, un bellum justum, c’est bien ici, dans l’engagement des Alliés, car l’intervention servait finalement aussi au bien de ceux contre le pays desquels la guerre a été menée. Une telle constatation me paraît importante, car elle montre, sur la base d’un événement historique, le caractère insoutenable d’un pacifisme absolu. Cela n’ôte rien, bien sûr, au devoir de poser très soigneusement la question de savoir si et à quelles conditions est possible encore aujourd’hui quelque chose comme une guerre juste, c’est-à-dire une intervention militaire, mise au service de la paix et obéissant à ses critères moraux, contre des régimes établis injustes. Surtout, ce qu’on a dit fait mieux comprendre, espérons-le, que la paix et le droit, la paix et la justice sont inséparablement liés l’un à l’autre. Quand le droit est détruit, quand l’injustice prend le pouvoir, c’est toujours la paix qui est menacée et déjà, pour une part, brisée. La préoccupation pour la paix est en ce sens avant tout la préoccupation pour une forme du droit qui garantit la justice à l’individu et à la communauté dans son ensemble. [...]
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