- Le drame mythique de Niobé, victime des terreurs ancestrales, où rien n'est humain.

- Le désespoir juif de Rachel, qui refuse la consolation, parce que ses enfants ne sont plus.

- La douleur chrétienne de Marie le Samedi Saint, en ce jour où la compassion de celle qui a consenti à tout permet à l'église de survivre.

L'un des beaux poèmes de Sagesse met en parallèle la douleur païenne et la douleur chrétienne, en une séquence de couplets ailés:

L'âme antique était rude et vaine,
Et ne voyait dans la douleur
Que l'acuité de la peine
Ou l'étonnement du malheur.

Le contraste entre la peine et le malheur est un peu artificiel, mais Verlaine poursuit :

L'art, sa figure la plus claire,
Traduit ce double sentiment
Par deux grands types de la Mère En
proie au suprême tourment. .

Le premier type est Hécube après la perte de ses enfants, folle de chagrin, errant sur le rivage, déchirant l'air de ses cris. Le second type est la plus grande douleur, celle qui se tait :

Et c'est Niobé qui s'effare
Et garde fixement des yeux Sur
les dalles de pierre rare Ses
enfants tués par les dieux.
Le souffle expire sur sa bouche,
Elle meurt dans un geste fou.
Ce n'est plus qu'un marbre farouche
Là transporté nul ne sait d'où !

Niobé

Niobé symbolise la douleur antique, sans finalité mais non sans cause. Elle subit le courroux des dieux. Elle encourt le châtiment, car elle s'est enorgueillie de sa nombreuse progéniture, elle a tourné en dérision la déesse Latone qui n'a mis au monde que les deux jumeaux Apollon et Artémis — ainsi la servante Agar défie sa maîtresse Sara. Mais inversement la déesse est envieuse et jalouse de cette fierté maternelle, de cette fécondité multiple — cette fois comme Rachel à l'égard de Lia. [...]