La civilisation moderne, qui refuse les limites de l'homme, ne peut donner un sens à la vie. L'adolescent se retrouve alors désarmé face au travail de deuil qui l'arrache à l'enfance pour le lancer dans la vie adulte. Retrouver une culture religieuse qui pose les questions de sens et apprend à y répondre, est urgent pour empêcher les adolescents les plus fragiles de sombrer dans la dépression et les aider à intégrer l'Autre (l'aimé, l'enfant, Dieu).

Heureux les affligés...

Communio : Comment, en tant que psychanalyste, percevez-vous cette béatitude, vous qui côtoyez la souffrance tous les jours ?

Tony Anatrella : La béatitude « bienheureux les affligés » n'est pas à entendre, me semble-t-il, dans une perspective psychologique ou sociale ; elle a d'abord une dimension théologique : « Bienheureux les affligés à cause de mon nom. J'ai lutté pour la vérité de mon Père, et mes disciples n'en feront pas l'économie ». Sinon, cette béatitude va être réduite à du moralisme ou à du psychologisme de compassion. Non que les souffrances psychologiques et sociales soient négligeables ici, mais cette béatitude prend sens surtout par rapport à une vérité de foi.

C. : N'y a-t-il pas aujourd'hui une recrudescence d'une certaine forme de souffrance, qui est la dépression ? Cette dépression a-t-elle une dimension théologique ?

T.A.: Cette vérité de foi peut, effectivement, éclairer l'expérience d'une souffrance liée à nos limites humaines. Le fait de nous heurter aux limites de notre condition nous fait souffrir : bien souvent, en psychiatrie, on rencontre des hommes ou des femmes qui, à travers leur difficulté d'être, cherchent à sortir de leurs structures humaines. En effet, avec la technologie qui envahit la médecine, la mort arrive comme une aberration. Récemment dans un hôpital quelqu'un est mort d'un arrêt cardiaque et la famille s'est étonnée qu'on ne le fasse pas revivre grâce à un massage cardiaque. L'équipe soignante a dû répondre : « Ce n'est pas possible, il est mort ! ».

Aujourd'hui nous essayons d'occulter notre condition mortelle, cette condition mortelle que la religion autrefois nous rappelait. Nous méditions sur notre mort à venir en cherchant un sens qui puisse éclairer le quotidien et le rendre viable. [...]

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