Mme Marie-Hélène CONGOURDEAU
Le plaisir
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n°40
Mars - Avril
1982 - Page n° 57
La première page, 57, est jointe.
DE la rencontre de deux écoles historiques récentes qui ne s'attachent plus seulement aux faits politico-diplomatiques ou économiques mais d'une part aux sentiments, mentalités et comportements, d'autre part aux grands courants démographiques, devait naître l'histoire de la sexualité. Celle-ci est en pleine croissance et ne serait pas plus tendancieuse que celle du boire et du manger si, dans les pays de tradition chrétienne, elle ne se présentait pas le plus souvent comme l'histoire de la répression du plaisir par l'Église. Parmi la foule des études savantes, nous avons choisi deux livres qui, s'adressant au grand public, avec toute l'autorité de leur compétence scientifique, lui dépeignent l'Église comme un facteur d'étouffement de la liberté et de la spontanéité des époux.
L'un des derniers livres de G. Duby [[G. Duby, Le chevalier, la femme et le prêtre — Le mariage dans la France féodale, Paris, Hachette, 1981.]], sur le mariage dans la France féodale, porte en dernière page de couverture cette présentation : « Entre l'An Mil et le début du 13e siècle se place un moment très important de l'histoire du mariage européen : la lutte des dirigeants de l'Église pour imposer leurs conceptions de l'institution matrimoniale. En même temps qu'ils forcent, non sans peine, les prêtres à vivre dans le célibat, ils rêvent d'enfermer le peuple laïque dans la cellule conjugale, cadre consacré, contrôlé par le clergé. » Les dirigeants de l'Église veulent imposer, ils forcent, ils rêvent d'enfermer : ce mélange de répression et de phantasme place d'emblée le lecteur dans une position de refus devant une Église despote.
Heureusement, la pensée même de G. Duby, quand on ouvre le livre, se montre plus fine. L'auteur met face à face deux conceptions du mariage : celle des chevaliers (p.57) et celle des clercs. Pour les chevaliers, le mariage est un moyen de perpétuer le lignage et de le rehausser par le jeu subtil des alliances et des ruptures : d'où une succession d'incidents qui se nomment incestes, répudiations en série, mariages d'impubères, polygamie. Les clercs, devant cette situation barbare (au sens historique), ont pour tâche de christianiser, c'est-à-dire avant tout d'humaniser les comportements : d'où l'insistance sur l'interdit de l'inceste (dont l'extension englobe parfois des cousinages très éloignés) et une lutte sans merci contre la polygamie et la répudiation (soit dit en passant, le clerc joue ici le rôle de défenseur de la femme) ; d'où également l'importance donnée, dans l'élaboration du sacrement de mariage, au consentement mutuel et à l'union conjugale (beaucoup de chevaliers, une fois leur concupiscence assouvie, prenaient prétexte de la définition élastique de l'inceste pour jeter leur dévolu sur une proie plus jeune et mieux « née »).
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