La musicalité de l'âme

La musique, plus que tout art, exprime la vie divine et la spiritualité de l'âme, son libre avènement à la béatitude éternelle.

« Le mélomane, quoique chez lui, s'efface ; il ne s'agit d'esthétique, mais de religiosité. » Stéphane Mallarmé, Divagations : Offices 

Plus archaïque que l'ancienne ou nouvelle Alliance, il y aurait : l'âme, comme une promesse faite chair — voici que surgit au monde une créature nouvelle — tout comme antérieure à l'affrontement du bonheur et du malheur où se joue notre histoire, le simple bonheur d'être, vierge ressource de vivre, ou comme une alliance avant l'Alliance : voici que quelqu'un naît au monde, qui jamais plus n'en sera ôté — et les puissances de la mort ne prévaudront pas sur la merveille de cette naissance, qui demeurera à jamais. Tant le Créateur parle définitivement en chaque liberté nouvelle qui prend vie dans la chair.

S'en émerveiller n'est pas chômer la seule louange qui vaille d'être entonnée, célébrant la beauté archétype s'élevant au-dessus de toute forme de ce monde, mais accueillir à la mesure de sa dispensation la grâce qui surabonde : générosité de Dieu qui donne l'être parce qu'il crée l'âme. Que signifie l'être de l'âme sinon ce primitif éblouissement, qu'il me soit donné d'être et de jouir de l'être ? Dès la joie du consentement à l'être perce la béatitude de celui qui est pour Dieu : fruition de la vie où naît le désir de la vie éternelle, commencement humain pour introduire à une vie qui est toute de commencement(s).

« Ah ! Saint des saints ! Quand il m'advient de penser à l'avènement de mon être et que je vois que l'être humain est le plus noble que Vous avez créé, je suis heureux et satisfait, et merveilleusement joyeux »¹.
 

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1. Raymond Lulle, Le livre de contemplation, in OEuvres, trad. Louis Sala-Molins, Paris, 1967, p. 143. Voir aussi le bel article de Jean-Louis Chrétien, « La joie d'être », in Revue Thomiste, janvier-mars 1980, p. 57-73.