« Miséricorde » et « Charité » dans les Traditions d’Israël

Abbé Olivier ARTUS
La miséricorde - n°243 Janvier - Février 2016 - Page n° 26

Le vocabulaire de la miséricorde, qui est assez diversifié dans l’Ancien Testament, y introduit un horizon nouveau, que l’on pourrait définir par les mots de « gratuité », ou de « compassion ». La miséricorde concerne tout à la fois les relations entre membres de la communauté des croyants, et la relation qui unit Israël à son Dieu. Elle n’efface pas l’idée de justice ni le principe de proportionnalité, mais, en venant s’y adjoindre, elle introduit une autre logique : celle du pardon et de la charité.

 

Plusieurs traditions de la Bible hébraïque font de la miséricorde un attribut divin. Mais cette compréhension de Dieu est loin de faire l’unanimité dans l’Ancien Testament. En effet, les rapports entre Dieu et son peuple sont souvent définis par des principes de type juridique : le comportement d’Israël détermine son destin — bénédiction ou malédiction (voir par exemple Deutéronome 30,15ss.).

De la même manière, la description des relations sociales au sein de la communauté d’Israël recourt plus souvent à un registre juridique qu’au vocabulaire de la « miséricorde » ou de la « charité ». L’analyse de la notion de miséricorde dans l’Ancien Testament implique donc de préciser la relation entre « justice » et « miséricorde ». Le discours de Yhwh, en Exode 34,6-7, articule ces deux notions en décrivant tour à tour un Dieu miséricordieux, puis faisant justice de manière implacable : « Yhwh, Yhwh, Dieu miséricordieux (rahûm) et bienveillant (hannûn), lent aux colères, grand en charité (hesed) et en fidélité, (v 7) faisant grâce à des milliers, supportant la faute, la rébellion et le péché ; mais sans rien laisser impuni, poursuivant la faute des pères sur les fils et sur les petits-fils sur trois et quatre générations ».

Ce texte pourrait sembler cultiver le paradoxe, en juxtaposant deux propositions assez difficilement compatibles : Yhwh est-il grand en miséricorde et en charité, ou bien met-il en oeuvre une conception plus étroite, plus « automatique » de la justice rétributive ? Cependant, la thèse que cet article va tenter de démontrer est la suivante : les traditions de la Bible hébraïque reflètent une évolution de la compréhension de la personne même de Dieu. Israël s’éloigne progressivement d’une compréhension initiale qui présente bien des points communs avec les cultures du Proche-Orient ancien, et qui fait de Dieu le référent ultime de la justice humaine, pour construire une figure originale
qui est celle d’un Dieu de miséricorde et de charité. Exode 34,6-7 pourrait juxtaposer deux propositions qui reflètent deux étapes de la réflexion théologique d’Israël. De plus, à cette évolution de la compréhension de Dieu semble correspondre une évolution de la compréhension et de la description des rapports avec le prochain : à un fonctionnement assez rigoureux de la justice, dont l’illustration la plus évidente est la loi du talion — même s’il convient d’éviter tout contresens à propos de ce [...]

 

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