Erasme et Luther : un autre débat

Luther faisait du christianisme l'inverse de l'épicurisme - en oubliant la complaisance divine. Érasme reconnaissait au contraire dans le franciscain aux pieds nus le véritable épicurien - mais en compensant l'esthétisme par le moralisme et donc sans cristalliser là toute la Tradition.

 La première page, 81, est jointe.

SUITES du platonisme, le stoïcisme et l'épicurisme s'opposent sur le chapitre du plaisir. L'être moral se réalise-t-il par la vertu, qui est conformité au Bien pour lui-même, ou bien dans le bonheur que donne le plaisir ? En terre chrétienne, Luther rendit plus vive l'opposition entre les deux termes de l'alternative : l'homme justifié n'agit justement qu'en observant les commandements de Dieu parce que ce sont les commandements de Dieu et pour nul autre motif ; le plaisir appartient à l'être naturel de l'homme qui est enfermé dans le péché. Avec un irénisme parfait, Erasme rappela que la tradition chrétienne n'impose pas de choisir entre Zénon et Epicure, mais reconnaît dans. la vie sanctifiée selon la loi divine le véritable épicurisme.

I. LUTHER

Si le plaisir suppose une unité entre le corps et l'âme (ou l'esprit) telle que ce que l'esprit éprouve comme joie rejaillisse comme plaisir dans le. corps, on peut dire qu'il n'occupe pas une place centrale dans la pensée et l'expérience de Luther ; celles-ci se centreraient plutôt sur une certaine forme de jouissance qu'il conviendra de cerner.

1. ALLONS, si possible, à l'essentiel. Sous la forme luthérienne, la jouissance pourrait se définir comme le refus du lien entre souffrance et fécondité qui est au centre de l'Incarnation rédemptrice [[Cf. mon Érasme et Luther: Libre et serf arbitre (Coll. « Le Sycomore o), Paris, Lethielleux, 1981.]], lien montré comme en figure lors de la présentation de Jésus au Temple et manifesté lors de la Passion. L'offrande. que Jésus fait de lui-même à Dieu son Père pour nous, pécheurs, passe par la souffrance tant physique que spirituelle, car la violence (p.81)

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