Les "nouveaux philosophes" inspiration ou aspiration religieuse ?

Pierre-philippe DRUET
La justice - n°16 Mars - Avril 1978 - Page n° 89

ENTENDONS-NOUS bien ! La «nouvelle «philosophie » n'existe pas ; il n'existe que des nouveaux philosophes. 

La première page, 89, est jointe; ainsi que 3.Recensions.

Si ceux-ci manifestent une solidarité, elle n'est pas accord doctrinal mais — selon les points de vue — collaboration, connivence ou complicité pratique. De Dollé à Benoist, de Jambet à Levy [[Nous considérons comme « nouveaux philosophes » : B.-H. Lévy, C. Jambet, G. Lardreau, J.-P. Dallé et Ph. Nemo. D'autres penseurs ont été rattachés é ce mouvement : M. Clavel, A. Glucksmann et J.-M. Benoist. Mais de ceux-ci, seul Clavel nous semble pouvoir être dit — sans équivoque excessive — « nouveau philosophe ». Nos propos ne vaudront donc pas globalement des deux derniers cités.]], la voie théorique ne s'étend pas royale ; en maints endroits, elle s'interrompt même brusquement. C'est dire qu'en la matière amalgame équivaudrait à imposture. Tout au plus pouvons-nous déceler des parentés (p.89) de démarche, des analogies ou des homologies de structure. Nous nous attacherons à certains de ces points de rencontre. Mais le pluriel (les « nouvelles philosophies ») nous sera toujours garant du danger de totalisation.

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Guy LARDREAU et Christian JAMBET, L'Ange, Grasset, 1976, 233 p. Au fond, il y a deux histoires. Mais l'autre, si elle ne nous concerne pas ici et maintenant, ne peut être qu'un leurre. Alors il ne s'agira pas de penser seulement l'autre du Maître, mais d'en dire les modalités pratiques : on espère beaucoup des prochains livres... En attendant, le Maître est partout, aussi bien en nos ébats que dans les séminaires lacaniens. Et l'esclave — le révolté, le révolutionnaire classique — n'est assurément pas l'autre recherché, mais (p.95) tout au plus le faire-valoir et le successeur éventuel du Maître. D'où la thématisation nécessaire du Rebelle, dont le discours même est rétif à tout ordre (glossolalie, p. 164). Les auteurs entreprennent donc cette tâche insensée (mais « de tels fous sont nécessaires à la révolution », dit le Chinois qu'ils convoquent à cette fin, p. 155) et inachevable; peut-être l'ont-ils seulement esquissée pour, en vérité, nous l'assigner : leur fou n'est-il pas celui de 1 Corinthiens 1, 18-25 (p. 155) ? M. C.

 

Jean-Luc MARION, L'Idole et la distance, Grasset, 1977, 350 p.

L'ailleurs est à vrai dire impensable. Sauf s'il est donné à énoncer. A refuser ce don, on ne peut aboutir qu'a nier son existence. Mais en admettant qu'on l'accepte, reste à le penser. Comment « désigner l'advenue à nous d'un retrait » ? Notre discours, tout de maîtrise, saurait posséder, sans doute, le monde et son maître, l'Idole (pour, au besoin, la déboulonner). Mais lui échapperait nécessairement Dieu, que la chute, figurativement, met à distance. Le seul discours valide est celui qui parcourt la distance sans prétendre l'annuler : ici décrit comme « discours de louange », il suppose le passage par (ou la résidence en ?) le Christ comme médiateur. D'où le retour apparemment paradoxal à Denys l'Aréopagite (notons qu'on n'avait pas vraiment, depuis saint Thomas, sollicité autant la force théologique du « disciple de Paul ») qui parlerait d'autant moins du Christ qu'il parle de là (cf. p. 217-218). Denys constitue le fondement, ou l'étai d'un débat passionnant et parfois passionné avec la philosophie qui est convoquée de Nietzsche à Heidegger (et Hölderlin), de Feuerbach à Derrida : ni élimination ni récupération, mais remise en perspective.

M. C.


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