Les yeux de l'âme

L'âme seule a des yeux, car le coeur seul voit. Ce thème, d'une infinie  fécondité spirituelle, est orchestré subtilement par les Pères  lui, dans l'intelligence de la foi, nous guident sans cesse.

« Comme s'il voyait l'invisible... ». Cette remarque de l'auteur de l'Épître aux Hébreux (11, 27), à propos de Moïse pose la question de la vision de l'âme : voit-elle ? Que voit-elle ? Toute âme voit-elle également ? Ou y a-t-il des
conditions de la pureté du regard ? Le regard n'est-il pas transformé par ce qu'il regarde ? Ou bien devient-il aveugle par l'excès de lumière ? N'y a-t-il pas un interdit de la vision de la gloire divine, dont la sanction est la mort¹ ? Et l'adaptation du regard à ce qu'il ne peut par lui-même voir n'est-elle pas un don que Dieu seul accorde ?

Nous voulons tout d'abord montrer ce que sont ces «yeux de l'âme » et comment ils voient l'invisible, avant de découvrir « l'intériorité » du regard dans sa relation avec le coeur et enfin « l'ouverture » du regard à la réalité pascale par l'onction de l'Esprit.

1. L'âme et le regard

L'oeil, en hébreu, se dit «'ain », qui signifie à la fois l'oeil, le regard, la face, le visage ou l'apparence² et, au pluriel, la source. - L'oeil, dit le Livre de l'Ecclésiaste (1,8), «ne se rassasie pas de voir » [...]

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1. Exode 33, 20 : « Tu ne peux pas voir ma face, dit Yahvé à Moise, car l'homme ne peut voir ma face et vivre. »

2. Dans le Premier livre de Samuel (16, 12), il est dit que David avait un beau visage ou «de beaux yeux ». C'est aussi par ce trait distinctif que se reconnaît Antoine dans sa Vie, selon Athanase (ch. 67) : « Quand il était parmi la multitude des moines, si quelqu'un voulait le voir qui ne le connaissait pas auparavant, il laissait tous les autres à l'arrivée d'Antoine et courait vers lui, comme attiré par ses yeux... Ainsi Samuel connut David dont les yeux créaient de la joie et dont les dents étaient blanches comme du lait » (1 Samuel 16, 12 ; 17, 42).