M. Michel HENRY
L'âme
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n°71
Mai - Juin
1987 - Page n° 77
La notion d'inconscient ne détruit pas celle de l'âme. Car l'inconscient appartient, dans son fond, à l'horizon de la conscience, elle-même entendue comme représentation d'un objet, mis extatiquement face à l'esprit qui l'appréhende. Or l'esprit ne se connaît pas lui-même (ni le monde) d'abord ou principalement selon un écart représentatif : il se connaît, avant toute extase, parce qu'il s'éprouve immédiatement lui-même. Cette auto-affection précède la rivalité mimétique de l'inconscient avec le conscient, et nous met sans doute sur la voie d'un concept authentiquement moderne de l'âme. (Cet article est relativement technique. Son intérêt nous a cependant semblé justifier amplement sa publication).
La question de la connaissance de l'homme est très particulière, à la fois solidaire et différente de la question de la connaissance en général. La connaissance est le plus souvent la connaissance de quelque chose qui est en soi étranger à la connaissance elle-même, quelque chose d'opaque et d'aveugle qui précède, semble-t-il, le regard que la connaissance portera sur lui et qui, grâce à celle-ci, sera tiré hors de son lieu naturel pour être porté, en elle et par elle, dans la lumière. Ainsi l'étant de la nature, la pierre, l'atome, la molécule, baignent-ils dans une sorte de nuit originelle et cosmique à peine pensable d'où la connaissance vient proprement les arracher pour les projeter devant ce regard de la conscience, pour les lui donner.
L'homme au contraire, si on le considère dans ce qu'il a de spécifique, c'est-à-dire dans ce qui le différencie de tout autre étant, n'a pas besoin pour accéder dans la lumière de la phénoménalité de l'intervention d'un principe autre que lui et qui viendrait le soustraire après coup à une dimension préalable d'obscurité, il est lui-même cette lumière, lui-même la connaissance, il est «conscience ».
C'est avec Descartes, on le sait, qu'intervient, du moins dans les deux premières Méditations, cette définition abrupte de l'Humanitas de l'homme par la phénoménalité, plus précisément comme phénoménalisation de la phénoménalité pure, et ainsi dans son opposition radicale à ce qui se trouve au contraire en soi dépourvu du pouvoir d'accomplir l'oeuvre de la manifestation. Cette opposition est chez Descartes celle de l'âme et du corps.
Seulement il ne suffit pas d'opposer la lumière de la phénoménalité à l'obscurité intrinsèque de la chose opaque et aveugle, il faut dire plus précisément en quoi consiste cette phénoménalité ou, si l'on préfère, l a conscience elle-même. Question décisive [...]
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