William T. CAVANAUGH
Violence et religions
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n°251
Mai - Aout
2017 - Page n° 49
L’État laïc est-il vraiment ce qui a permis de mettre fin aux guerres entre catholiques et protestants aux XVI et XVIIe siècles et donc aux conflits attisés par la religion ? L’histoire montre au contraire que, selon un processus dévoilé par René Girard, la sécularisation a transformé le christianisme en bouc émissaire pour imposer sa propre intransigeance en revendiquant le monopole de la rationalité. C’est ce mensonge qui suscite aujourd’hui les réactions fondamentalistes. Ce n’est pas moins de religion qu’il faut désormais, mais la vraie religion : celle du Dieu non-violent et miséricordieux.
Les sociétés humaines se racontent des histoires sur leurs origines. Les Aztèques se racontaient comment les dieux s’étaient sacrifiés pour donner aux hommes la lumière et la vie : ils avaient créé des soleils successifs en sautant dans le feu. Les Américains se racontent comment de courageux révolutionnaires ont renversé une monarchie tyrannique pour créer le pays des hommes libres. Ces récits sont souvent contestables d’un point de vue historique : les cycles de création et de destruction des Aztèques ne correspondent pas à ce que nous disent les géologues sur l’histoire de la Terre et la libération apportée par la Révolution américaine est bien moins évidente si l’on intègre dans le tableau le sort des esclaves africains et des peuplades qui étaient là bien avant. Mais ces récits fondateurs ne parlent jamais seulement du passé : ils expliquent pourquoi nous sommes là et, ce faisant, ils justifient l’ordre que nous imposons au monde actuel. Comme l’a relevé René Girard, ces histoires voilent généralement autant qu’elles dévoilent et le masquage assure que ce qui reste visible forme un tout cohérent.
J’ai longuement démontré ailleurs1 que l’interprétation courante des guerres de Religion2 n’a pas de bases historiques sérieuses. Dans le présent article, je me concentrerai sur ce que révèle de nous-mêmes, à savoir l’Occident sécularisé d’aujourd’hui, cette manière de raconter l’histoire. Nous semblons nous complaire à faire de ces guerres des XVIe et XVIIe siècles le chaos primitif dont serait venu nous délivrer l’État laïc et moderne. Ce qui permet d’une part de souligner par contraste combien la situation présente est meilleure et d’autre part de mettre en garde ceux qui seraient tentés de ruiner le consensus laïc en réintroduisant la religion dans le domaine public où la raison devrait régner sans partage. Je voudrais établir ici que cette vision des guerres de Religion est un « mythe » au sens où René Girard l’entend : un récit qui déforme [...]
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1 Voir le chapitre 3 de mon livre Le Mythe de la violence religieuse, Éditions de l’Homme nouveau, Paris, 2009 ; original en anglais : The Myth of Religious Violence, Oxford University Press, New York, 2009.
2 En anglais, « guerres de Religion » ne désigne pas seulement les affrontements armés entre partis catholique et protestant en France dans la seconde moitié du XVIe siècle, mais tous les conflits politiques et militaires où les appartenances religieuses ont exaspéré les rivalités en Europe entre les débuts de la Réforme et la fin de la guerre de Trente Ans en 1648 [Note du traducteur].
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