Reposoir ou décharge ? Le cimetière, lieu théologique

L'Église appuie sa foi sur deux tombeaux : celui du Christ, qui ne vaut comme référent que parce qu'il est vide ; celui de Pierre, qui ne fonde la légitimité du primat papal que parce que le corps de l'apôtre y a séjourné. On en déduit le sens chrétien de la sépulture des fidèles : être un reposoir.

La décision de consacrer aux cimetières un cahier de cette revue provient de deux raisons : le constat théologique de la fonction que tient la sépulture dans la réflexion chrétienne, d'une part, et, d'autre part, le souci particulier des urbanistes et des pasteurs devant le corps mort.

On le sait, on l'a souvent dit : le corps mort est embarras-sant. Le coût du mètre carré utile en hôpital conduit à éva-cuer le cadavre dès le constat de décès, vers des lieux pro-fonds et obscurs, dont on l'extrait pour le conduire aux rites funéraires. Après avoir enfermé les fous dans les asiles et les vieillards dans les hospices, on cache les cadavres dans les morgues et on les évacue avec discrétion. La veillée funèbre, la mise en bière, le transport sont des formalités supprimées ou allégées. La création d'espaces funéraires pose problème aux urbanistes de villes nouvelles et leur extension dérange les édiles des villes anciennes. Périodiquement, des débats s'ouvrent autour de la crémation, des droits et monopoles des sociétés funéraires, des thanatées et autres maisons mor-tuaires. Concurremment, un débat éthique se déroule sur le don d'organes : le comité national défend la dignité du cadavre, qui est protégé par la loi, et non seulement pour des raisons d'hygiène : décence, dignité, intégrité s'opposent aux mutilations et au déchiquetage que des équipes médicales ont pu vouloir opérer pour récupérer des organes frais. [...]