La sépulture des saints

Rompant avec le paganisme et le judaïsme antique qui voient dans le contact du corps mort une souillure, le christianisme installe le cimetière parmi les vivants qui s'activent au milieu des corps morts. Le culte des saints explique une telle révolution.

Se recueillir devant une tombe reste de nos jours un usage établi jusque dans les cérémonies officielles laïques, mais dont le sens n'est plus que faible, purement symbolique et commémoratif, et manque même de véritable clarté : ce vestige désormais un peu déroutant est le reste d'un ensemble ancien de pratiques cohérentes, dont nous avons tous une certaine connaissance de « culture générale » — le Moyen Age, son culte fervent des saints, etc. — qui risque de nous masquer sa singularité, voire son étrangeté.

Cette spécificité apparaîtra mieux si on la campe en regard des pratiques qu'elles a supplantées, les coutumes funéraires de l'Antiquité gréco-romaine et judaïque. Le paganisme et le judaïsme antique concordent sur un point essentiel : le contact avec le corps mort est une souillure, un tabou au sens exact qu'il faut à tout prix éviter ou annuler par une purification ; le culte des corps des saints chrétiens fut pour tous deux un scandale profond. [...]