Dehors les morts ! Les mutations de la sépulture dans la France du XVIIIe siècle

Au XVIII° siècle, les morts subissent un double exil : évincés des églises, ils sont ensuite chassés loin des habitations.Contrairement à l'interprétation commune valorisant la « déchristianisation », ce sont les évêques réformateurs d'après le Concile de Trente qui ont provoqué ces mutations de la sépulture.

Au cours du XVIIIe siècle, le mode de sépulture est affecté en France d'une double rupture : les morts sont chassés des églises vers les cimetières qui sont à leur tour évincés du milieu des vivants. Dehors les morts ! procla-ment avec un bel ensemble évêques, médecins, philosophes et administrateurs. Ce surprenant concert d'esprits éclairés pour une fois unanimes accompagne ce que Philippe Ariès appela en son temps l' « exil des morts ». En quelques décennies, les défunts passent du repos près de l'autel ou du moins le long des murs de l'église, à l'éviction vers des dépotoirs extra-urbains prévus à leur seule intention. L'interprétation ordinaire-ment proposée de cet impressionnant basculement fait la part belle à la perte du sens chrétien de la mort, au triomphe des Lumières administratives et désacralisatrices. L' « exil des morts » semble confirmer ce que laisse supposer le déclin des clauses religieuses dans les testaments, le progrès de la « déchristiani-sation ». Une telle explication a pour elle le mérite de la clarté et d'une apparente cohérence. Incomplète, elle ne rend pour-tant pas compte de bien des ambiguïtés et de mutations fort antérieures au temps des Lumières. Elle reste silencieuse sur le rôle essentiel de l'Eglise dans cette évolution.