Écologie et morale

L'écologie remet en cause le statut de l'homme comme pur esprit, seul sujet de droit qui réduit le reste à un objet d'usage illimité. En prétendant dominer les choses sans modération, l'homme en vient à se dominer lui-même et à perdre tous les droits dont il s'est réservé l'exclusive. Une « morale écologique » qui admettrait des droits pour les générations futures et pour leur environnement passe par une désappropriation de la terre par l'homme, pour qu'il sauve sa propre dignité et son existence même.

L'écologie est un phénomène dont nous commençons seulement d'apercevoir la portée. Qu'elle soit à même, dans un futur proche, de remettre en cause notre mode de développement économique, qu'elle soit porteuse en outre d'une nouvelle dimension et d'une nouvelle responsabilité pour la politique, qu'elle implique enfin une réforme spirituelle, cela commence seulement d'apparaître. Car l'écologie, à quelque niveau qu'on la prenne, est la fille rebelle des outrances de nos pouvoirs, et notamment de nos pouvoirs techniques : elle est née avec ces outrances et contre elles, elle se développera à mesure que nos pouvoirs et ses abus s'amplifieront. A ce titre, elle est essentiellement «critique ». Radicalement, elle remet en cause le sens que l'homme donne traditionnellement à son existence : celui d'être «à part », «au-dessus» du reste (la nature) et opposé à lui¹. L'écologie fait valoir le droit de la Terre contre nos impératifs d'exploitation et de croissance ; elle récuse l'idée que l'homme puisse réduire la nature extrahumaine à un simple complexe d'«ustensilité». Bref, l'écologie récuse l'aspect dualiste de la morale traditionnelle, qui place l'homme au centre et nourrit la dignité de ce centre de l'indifférence pour sa périphérie.[...]

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1. Cette manière typique qu'a l'homme de se distinguer de tout le reste, se préservant ainsi de toute promiscuité malpropre, et que Platon déjà stigmatisait sous le nom de « vénération de soi» (semnunein) dans le Politique, 263 d.