n°107 L'écologie - Heureux les doux Mai - Juin 1993*


"Heureux les doux parce qu’ils auront la terre en héritage" (Mathieu 5, 4)

Les problèmes de l’environnement rendent urgente une politique écologique. Mais sur quels fondements ? Il importe de rappeler que la nature est faite pour l’homme et non l’homme pour la nature. Pourtant l’homme n'a pas pour fin de plier la nature à ses caprices, mais de la reconduire à Dieu. L’homme a été créé à l’image de Dieu pour mettre en valeur la terre et non seulement pour l’admirer. C’est ainsi qu’il recevra la terre en héritage. Déjà le Christ est celui qui le réconcilie avec la nature. Dans l’Église et ses sacrements, l’écologie relève de la vraie douceur, à ne pas confondre avec la mièvrerie.
Page Titre Auteur(s)
6 La nature est pour l'homme, et l'homme pour Dieu Olivier BOULNOIS
11 Terre des hommes Roland HUREAUX
21 Les doux et la terre Rémi BRAGUE
29 Méditation sur la Béatitude Xavier TILLIETTE
33 Prenons garde à l'Antéchrist! L'avertissement prophétique de Soloviev Giacomo BIFFI
51 Les « grandes peurs » écologistes : mythes et réalités Isabelle RAK
63 Perspectives bibliques sur l'écologie Ernest L. FORTIN
89 Écologie et gratuité Miklos VETÖ
108 Écologie et morale Vincent BOURGUET
121 Des droits pour les animaux ? Stratford CALDECOTT
127 Écologie et politique : la protection de l'environnement comme fin de l'État Klaus TÖPFER
134 Population et environnement Gérard-François DUMONT
143 Villes et campagnes au Sud : un rôle à redéfinir René LENOIR
150 Existe-t-il une approche écologique du contrôle de la fécondité humaine ? François ET MICHÈLE GUY
157 Le sens de la bénédiction : sur l'écologie comme événement ecclésial Vigen GUROIAN
172 Can Scientists Believe ? par sir Nevill MOTT - Revue de livre Stéphane ZALEVSKI

Éditorial : Olivier Boulnois : La nature est pour l'homme, et l'homme pour Dieu

Où l'on rejette deux extrêmes : l'écologisme fondamentaliste, qui réduit l'homme à n'être qu'une espèce parmi d'autres, et la destruction massive de l'environnement, qui réduit la nature à n'être qu'un instrument en vue de fins fixées arbitrairement par l'homme. Tous deux sont des déformations de la dignité de l'homme, maître de la nature dans la mesure où il est l'image de Dieu.

Questions 

Roland Hureaux : Terre des hommes

La maîtrise de la création confiée par Dieu à l'homme est en fait la plus haute affirmation de la dignité de l'homme et de la nature. En évitant qu'on puisse rendre un culte à la nature, l'homme permet de la mettre en valeur, ce qui est la plus haute forme de respect. La Bible est donc optimiste, puisqu'elle fait confiance à l'homme pour résoudre les problèmes que lui-même suscite.

Heureux les doux ? 

Rémi Brague : Les doux et la terre

Est doux celui qui prend soin des choses fragiles : la vertu de douceur renvoie donc à la fragilité de la nature. Mais si l'homme l'exerce, il verra le monde à son tour lui apparaître comme doux. Il nous faut accepter notre chair comme le milieu de notre expérience, et la terre comme un domaine reçu en héritage, et non comme une demeure permanente.

Xavier Tilliette : Méditation sur la Béatitude

C'est par la fidélité cachée que la multitude des saints anonymes se charge du fardeau du Christ, « doux et humble de coeur ». Cette douceur ne se confond pas avec la non-violence, elle est issue de la force même de l'Agneau immolé, qui témoigne, par sa résurrection, de l'invincibilité des victimes et de la force décisive de leur faiblesse.

Card. Giacomo Biffi : Prenons garde à l'Antéchrist !

Pour le philosophe Soloviev, l'Antéchrist paraîtra se mettre au service de l'humanité, et se faire l'apôtre de « valeurs » évangéliques : la paix, la douceur, la protection de la nature. Cette prétendue douceur, à l'inverse de la violence nécessaire à l'avènement du Royaume dont nous parle le Christ, n'est en vérité que la confusion entre le bien et le mal, entre la vérité et le mensonge.

Faits et arguments : L'homme et la nature 

Isabelle Ledoux : Les « grandes peurs » écologistes : mythes et réalités

Les médias nous alertent régulièrement des menaces que font peser sur l'avenir de l'humanité le « trou d'ozone », l'effet de serre, la destruction des forêts tropicales, la pollution de l'eau, la démographie galopante. Les scénarios catastrophiques élaborés en ces occasions reposent-ils sur une analyse scientifique, ou relèvent-ils d'une grande peur de fin de millénaire ? 

Ernest L. Fortin : Perspectives bibliques sur l'écologie

Le christianisme, longtemps accusé de s'opposer au développement actuel de la science, est soudain rendu responsable de la menace d'un désastre écologique, pour avoir proclamé la maîtrise de l'homme sur la nature. Or, la science moderne, dont le but n'est pas de comprendre la nature mais de l'asservir, n'a rien à voir avec la seigneurie affirmée dans la Bible. Il convient donc de mieux comprendre celle-ci.

Miklos Vetö : Écologie et gratuité

La question de l'écologie n'a-t-elle pour solutions que l'utilitarisme anthropocentrique, ou bien l'attribution de droits à des créatures qui ne sont pas des sujets moraux ? Non : la création peut et doit être aimée pour elle-même, dans une attitude d'émerveillement qui fut celle du Créateur au septième jour. La protection de la nature ne saurait être dictée par une obligation juridique, mais par un acte de liberté, qui accepte que la création vive à un autre rythme que le nôtre : les vertus de l'écologie sont la douceur, la modération, la patience. 

Écologie et politique

Vincent Bourguet : Écologie et morale

L'écologie remet en cause le statut de l'homme\comme pur esprit, seul sujet de droit qui réduit le reste à un objet d'usage illimité. En prétendant dominer les choses sans modération, l'homme en vient à se dominer lui-même et à perdre tous les droits dont il s'est réservé l'exclusive. Une «morale écologique » qui admettrait des droits pour les générations futures et pour leur environnement passe par une désappropriation de la terre par l'homme, pour qu'il sauve sa propre dignité et son existence même. 

Stratford Caldecott : Des droits pour les animaux ?

La seigneurie sur le cosmos confiée par Dieu à l'homme nous confère une responsabilité particulière vis-à-vis de la création. La nature est digne de respect et même d'amour parce que son existence a été voulue par Dieu, et voulue bonne. S'il y a une hiérarchie des êtres, le « droit » des créatures n'est pas autre chose que celui d'être aimées par l'homme comme Dieu lui-même les aime. 

Klaus Topfer : Écologie et politique : la protection de l'environnement comme fin de l'État

En Allemagne, un projet de révision des lois constitutionnelles propose d'indiquer que la protection de la nature est une des fins de l'État. Il reste à savoir ce qui fonde ce devoir. Entre une vision anthropocentrique (où l'homme est la fin de toutes choses), et une vision écocentrique (où la nature a d'abord des droits), le christianisme propose-t-il une voie équilibrée ?

Écologie et démographie

Gérard-François Dumont : Population et environnement

On identifie à tort surpopulation et risque d'épuisement des ressources, surpopulation et pollution. En réalité, la population permet la mise en valeur de la terre, et les régions les plus polluées ne sont pas les plus denses démographiquement. La croissance de la population mondiale ne vient pas de la croissance de la natalité, mais de la chute de la mortalité. Il est donc absurde d'imposer des mesures de réduction des naissances aux populations du tiers monde. Il y a place pour une nouvelle croissance de la population, si elle s'accompagne d'une politique responsable.

René Lenoir : Villes et campagnes au Sud : un rôle à redéfinir

Les pays du Sud voient leur situation économique empirer du fait d'un déséquilibre croissant des échanges avec le monde développé. Les campagnes s'appauvrissent, et les citadins s'entassent dans des villes qui s'enfoncent dans la misère. Il convient donc d'encourager d'abord l'activité agricole rurale pour assurer l'autonomie alimentaire, et de favoriser les communautés locales, seules capables de mettre en valeur les terres.

François et Michèle Guy : Existe-t-il une approche écologique du contrôle de la fécondité humaine ?

Il est paradoxal de voir des principes écologiques servir à la promotion de la contraception chimique. Les méthodes naturelles, qui permettent à un couple de prendre en charge sa fécondité, paraissent plus proche d'une démarche écologique. Ne pourraient-elles pas être mieux accueillies et plus efficaces dans les pays en voie de développement ? 

Écologie et liturgie

Vigen Guroian : Le sens de la bénédiction : sur l'écologie comme événement ecclésial

L'écologie n'est pas une question extérieure à l'Église, elle en est l'existence même. En effet, la liturgie et les sacrements exigent la pureté esthétique de la nature et restaurent l'harmonie originelle entre l'homme et son environnement. Préfigurée par l'arche de Noé, l'Église a dans la liturgie un avant-goût du Royaume. 

Signet : Revue de livre

Stéphane Zaleski : « Can Scientists Believe ?» par sir Nevill Mott

La nature est pour l'homme et l'homme pour Dieu

Olivier Boulnois

« Comme le lion voulait le forcer à sortir de la caverne, saint Sabas lui dit avec confiance: "La caverne est assez vaste pour nous contenir largement tous les deux; de fait, nous
sommes tous deux fils du même Créateur. Si tu le veux, reste ici, sinon, va-t'en. Ce n'est que justice, car j'ai été façonné, moi, de la main même de Dieu et il m'a fait l'honneur de me fabriquer à son image."A ces mots, saisi en quelque manière de révérence, le lion s'en alla. » Cyrille de Scythopolis, Vie de saint Sabas, ch. xxxiii, tr. A.-J. Festugière, Moines d'Orient, 111/2,1962, p. 45. 

La nature est pour l'homme et non l'homme pour la nature

Le souci de l'environnement a pris, lors de ces dernières décennies, une importance cruciale et justifiée. L'idéologie libérale et son revers marxiste, en butant sur l'obstacle constitué par la nature, ont découvert leurs limites. Alors que ces théories imaginaient atteindre une forme de bonheur terrestre par la seule organisation rationnelle des rapports de production, au nom d'un pouvoir absolu de l'homme sur la terre, elles découvrent maintenant que les ressources sont finies et qu'une exploitation désordonnée et sans frein de la nature s'avère contraire aux intérêts de l'homme. Pollution, saccage, destruction sont des problèmes aigus dans bon nombre de régions du globe. Ils montrent que l'exploitation des ressources terrestres, élevée à la hauteur d'un absolu, se révèle à long terme dangereuse, inutile et contre-productive, en raison des nuisances qu'elle engendre. Ainsi l'écologie, qui était originellement la science des espèces naturelles et de leur environnement, est devenue une question économique et politique. Elle entend même s'appuyer sur un fondement théologique. Le récit de la Genèse montre en effet comment la liberté de l'homme, en tant que pécheresse, a obscurci son statut d'image et perverti sa dignité de «fermier de Dieu1. La nature apparaît alors  [...]

 

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1. Selon la belle expression de J. BottéroNaissance de Dieu, Paris, 1993, p. 248. «La Genèse 1, 26 associe l'être à l'image de Dieu et la domination de l'homme sur la nature : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout être vivant qui rampe sur la terre. On pourrait aussi voir en l'homme le jardinier de Dieu, à l'image du Ressuscité de l'Évangile.»

Revue de livre

Stéphane Zaleski : « Can Scientists Believe ?» par sir Nevill Mott


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