Les conciles de Tolède (VIe-VIIe s.)

Un des derniers peuples barbares d’Occident à s’être converti au catholicisme, les Wisigoths d’Espagne ont su mettre en place une administration sophistiquée doublée d’une pratique synodale originale pour le haut Moyen-Âge. Les conciles de Tolède célébrés entre 527 et 702 ont ainsi associé clercs et laïcs dans des prises de décision délicates, non sans ambiguïté quant au rapport du politique au religieux.

Aujourd’hui, les grands conciles de l’ère médiévale sont souvent considérés comme des institutions ecclésiastiques où le corps épiscopal a été, sinon seul, du moins seul à participer aux délibérations et aux prises de décision. Cette image résulte des assemblées qui accompagnèrent la Réforme grégorienne et, plus encore, les grands conciles de Constance et de Bâle tenus à la fin du Moyen Âge. Entre la fin de l’Antiquité et l’An Mil s’exprimèrent pourtant des traditions originales qui firent une certaine place aux laïcs dans l’organisation et dans le déroulement des réunions. Tel fut le cas des conciles francs et burgondes, mais surtout des conciles wisigoths. Ces modèles possibles pour la synodalité contemporaine ont leur part d’ambiguïté. Mais leur portée s’avère considérable dans la conception de la dramatique conciliaire. Les Wisigoths constituent l’un des peuples les plus mal aimés du haut Moyen Âge : il leur est reproché pêle-mêle d’avoir défait l’Empire romain à Andrinople en 378, d’avoir pris la Ville Éternelle en 410 ou de ne pas avoir réussi à maintenir de dynastie royale stable. Dès le VIIe siècle, les chroniqueurs francs ironisent sur la « maladie gothique ¹ », un syndrome qui les pousserait régulièrement à assassiner leur roi. Plus que tout, les Wisigoths semblent parmi les derniers barbares d’Occident à se convertir à la foi catholique. Sans doute cette image noire gomme-t-elle l’essentiel : entre 418 et 711, les Wisigoths ont réussi à tenir un vaste espace territorial dont l’administration était certainement l’une des plus sophistiquées pour l’Europe du haut Moyen Âge ². En outre, ils ont inauguré une tradition conciliaire d’une grande originalité ³. [...]

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1 Le terme apparaît au VIIe siècle dans la Chronique de Frédégaire, IV, 82, mais Grégoire de Tours parlait déjà de « detestabilem consuetudinem » (Dix livres d’Histoires, III, 30).

2 Sur le contexte général : Edward A. Thompson, The Goths in Spain, Oxford 1969, Herwig Wolfram, Histoire des Goths, Paris, 1990, Cécile Martin, La géographie du pouvoir dans l’Espagne visigothique, Lille 2003 et Roger Collins, Visigothic Spain 409-711, Oxford, Oxford U.P., 2004.

 3 On trouvera la quasi-totalité des canons conciliaires dans José Vives (éd.), Concilios visigoticos e hispano-romanos, Barcelone-Madrid, 1963