Dieu et la poésie

La poésie, par sa possibilité de sonder ce que recèlent les apparences, permet de discerner, dans la présence du visible, la réalité de Dieu. Le logos complexe de la poésie permet d’explorer et de montrer les circonstances dans lesquelles la vérité vit.

Pourquoi Dieu voulait-il que les hommes inventent la poésie ? Pourquoi la poésie est-elle finalement un don de Dieu ? Au fond, nous ne savons pas : « Qui a connu la pensée du Seigneur ? » Mais au moins nous savons que, dans l’optique chrétienne, la poésie ne se produit pas par hasard et ne se présente pas comme un objet autonome sur lequel nous serions libres d’élaborer des idées quant à son origine et sa finalité. Nous savons également que, s’il existe une réponse adaptée à notre intelligence, il faut la chercher dans la Bible. (Nous pourrions y rechercher aussi le pourquoi et les modalités de la théologie.) Remarquons d’abord que la Bible elle-même se compose pour une bonne part de poésie. Même en prose, elle est vision, sagesse, figures, émotions. Le livre qui la termine et l’accomplit, l’Apocalypse, non seulement contient des poèmes, mais s’écrit en une prose poétique qui révèle d’immenses vérités dans des images saisissantes. La Bible présente Dieu, son monde et sa manière de voir dans une écriture fort éloignée de nos habitudes intellectuelles et presque toujours teintée de poésie ; très rarement dans un discours rationnel. Dieu nous parle en poésie, comme Jésus s’adresse fréquemment aux disciples et à la foule en suivant les formes, les divers parallélismes, de la poésie hébraïque. La Bible est révélation, création ; elle ne prouve que ponctuellement. La poésie, également révélation selon ses limites et création à sa façon, se passe de preuves. Il est vrai que la Bible ne contient qu’une seule allusion (si je ne me trompe) à la poésie non-biblique. Mais elle est admirablement précise et éclairante. Devant l’Aréopage d’Athènes, Paul annonce que le Seigneur du ciel et de la terre n’est pas loin de chacun de nous, car c’est en lui « que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17,28). Il parle d’un rapport avec Dieu antérieur à la prédication de l’Évangile et à la conversion, et il continue avec ces mots : « Ainsi d’ailleurs l’ont dit certains de vos poètes : “Car nous sommes aussi de sa race” ». Il avait saisi sans doute que la poésie est [...]

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