Madame Laure SOLIGNAC
l'intelligence artificielle
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n°301
Septembre - Octobre
2025 - Page n° 97
La pensée médiévale établit une nette distinction entre l’intelligence et la raison, deux notions qui tendent aujourd’hui à se confondre. Le détour par le Moyen-Âge nous permet de comprendre pourquoi l’intelligence ne se réduit pas aux fonctions qu’un ordinateur assure de nos jours avec une efficacité bien supérieure à la nôtre. Il nous rappelle qu’elle est avant tout capacité d’étonnement et d’admiration.
Nombreux sont aujourd’hui les journaux, les magazines, les émissions de radio où il est question, à un moment ou à un autre, d’« intelligence artificielle », comme s’il allait de soi que l’intelligence était une « chose » susceptible de deux états différents, naturel ou artificiel, étant généralement entendu qu’à son état naturel, l’intelligence serait moins puissante, moins performante, et au bout du compte déjà obsolète, alors que son état artificiel constituerait notre avenir. D’où les injonctions fréquentes à y recourir dans des domaines aussi divers que les diagnostics médicaux, la création artistique, la recherche universitaire, le divertissement, la préparation de discours politiques ou la compilation de données juridiques. Mais l’intelligence présente-t-elle vraiment une forme de neutralité ou d’indifférence face à l’alternative naturelle/artificielle ? Aller dans ce sens, ce serait en réalité admettre que l’intelligence est déjà, en ellemême et pour l’essentiel, une mécanique que l’on peut trouver dans différents types de dispositifs, et que par conséquent, elle se trouve dans un milieu plus propice à son plein régime dans une machine plutôt que dans un être vivant. Or l’une des multiples raisons pour lesquelles cette croyance a pris racine dans nos mentalités pourrait être l’oubli d’une distinction ancienne et importante entre la raison et l’intelligence.
La notion d’intelligence a une généalogie complexe qui ne saurait être retracée en quelques pages, mais certains moments de son histoire revêtent un intérêt tout particulier pour nous, en ce qu’ils nous apprennent à distinguer ce que nous confondons. Tel est le cas du Moyen Âge, où l’on distinguait nettement raison (ratio) et intelligence (intelligentia ou intellectus) dans l’âme humaine. Au moyen de ces deux vocables étaient appréhendées des réalités bien différentes, comme le laisse deviner l’habitude répandue aux XIIe et XIIIe siècles dans les milieux cisterciens puis franciscains d’accorder un semblant de raison aux bêtes, mais certainement pas un semblant d’intelligence. En effet, cette dernière étant considérée comme une puissance plus élevée que la raison, et pour ainsi dire plus qu’humaine, il aurait semblé tout à fait incongru de l’attribuer aux animaux non rationnels
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