La double vie de Véronique - Une approche métaphysique de la féminité

Daniel BOURGEOIS
L'Islam - n°97 Septembre - Décembre 1991 - Page n° 184

Ecriture du mouvement, le cinéma peut être un révélateur particulièrement sensible pour figurer ce qui échappe à l'instantané : à l'occasion de libres réflexions sur le film de Krzysztof Kieslowsky, La double vie de Véronique, une approche métaphysique de la féminité.

Il est presque banal d'affirmer que l'art cinématographique est ce qui a bouleversé et enrichi de la manière la plus profonde et la plus décisive l'imaginaire de l'humanité moderne. Il ya d'abord le fait évident — ou du moins qui devrait l 'être — que, grâce à la décomposition et à la recomposition du mouvement par succession d'images, on a effectivement réussi à « écrire » le mouvement, avec tout ce que la notion d'écriture porte en elle de richesse et de variété de styles.

Ainsi donc, le mouvement comme mouvement a pu être effectivement poétisé et c'est là sans doute la différence essentielle avec le théâtre, dans lequel c'est l'action comme action qui est poétisée : or il y a une grande distance entre la poétique du mouvement et la poétique de l'action : elle apparaît très clairement lorsque l'on essaye d'imaginer ce que serait une pièce de théâtre « documentaire ». En revanche, non seulement le film documentaire constitue une catégorie essentielle de l'esthétique cinématographique, car il est la poétisation d'une réalité de ce monde, saisie dans l'énigme de son mouvement, mais dans la même ligne, on peut dire de tout film qu'il porte en lui une certaine référence « documentaire », dans la mesure où, par exemple, la caméra permet de scruter les mouvements du visage d'un acteur ou d'une actrice de façon incomparablement supérieure à ce que l'on peut voir du jeu des acteurs au théâtre : ce qui est perdu quant à la présence immédiate,charnelle et vivante de l'acteur ou de l'actrice est comme«compensé» par la richesse et la précision des plans, leur sémantique et leur grammaire. Il y a également de multiples façon de filmer les villes, les plages, des mouvements de foule dans une rue ou des intérieurs qui révèlent le mouvement propre et intime de ces réalités du monde et de la vie de nos sociétés. Ainsi donc, dès ce premier niveau, la différence entre le cinéma et le théâtre est décisive, car le domaine du mouvement est infiniment plus vaste et plus riche que la sphère de l'action : le théâtre est une méditation sur l'action humaine et cherche à en dégager la puissance de signification ; le cinématographe est une méditation sur le mystère du cosmos et de tout ce qui l'habite, il cherche à saisir chaque chose dans son mouvement (2) dans le fait-même qu'elle se déploie en ce mouvement. Le cinématographe est donc une méditation visuelle sur la manière dont le mouvement signifie.

Deux des plus grands génies du théâtre et du drame qui ont essayé de dépasser les limites du théâtre comme méditation et explicitation de la signification de l'action humaine — je veux parler de Shakespeare et de Claudel —nous ont donné des œuvres dont la grandeur et la splendeur acquièrent une dimension nouvelle lorsqu'elles sont filmées, car les regards conjoints de la caméra et du metteur en scène nous offrent une lecture en contrepoint de l'action et du mouvement que la mise en scène théâtrale ne pourrait jamais nous offrir.

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