Le bouddhisme occidentalisé n’est pas sans analogie avec le christia- nisme culturel. Mais sa promesse d’une sérénité personnelle qui, en se répandant, rendra infailliblement le monde meilleur, est un complet contre-sens. L’absence de dogmes et d’autorité institutionnelle facilitent prosélytisme, mais n’offre à la culture aucune spiritualité authentique.

Le bouddhisme à l’occidentale et le christianisme culturel paraissent tous deux relever d’une même désintégration religieuse. Dans un cas comme dans l’autre, en effet, leurs porte-parole choisissent ce qui, selon eux, a le plus de valeur dans les traditions qu’ils exploitent. Et ce qui aurait de la valeur, dans les deux cas, c’est tout ce qui reste quand on a retiré « la religion ». Pour les adeptes du christianisme culturel, la religion du Christ devient intéressante quand on retire ses dogmes. Il reste des « valeurs » utiles pour la vie en société et éventuellement des motifs commodes pour le développement de l’art. Pour les partisans du bouddhisme occidentalisé, la « religion » dont on doit se défaire pour accéder à « l’essence du bouddhisme », ce sont les rituels et les complexes élaborations métaphysiques des écoles bouddhiques asiatiques. On accède ainsi à une pratique mentale, pure et nue (« la méditation ») qui garantirait le bien-être mental et émotionnel des personnes et, par extension, de la société tout entière.

Cette pratique ancestrale dépouillée de ses oripeaux « moyen-âgeux » sort ainsi de l’orbite de « la religion » pour se mettre sous l’égide de « la Science ». L’avenir d’une religion résiderait donc dans sa « laïcisation », quelque forme que cette dernière puisse prendre. La logique du bouddhisme à l’occidentale semble alignée sur celle du christianisme culturel. Est-ce pourtant bien le cas ?

La « méditation de pleine conscience » : une mode américaine issue des pseudosciences

Il est de bon ton, de nos jours, de « faire de la méditation ». On entend par là s’asseoir en tailleur sur le sol, le dos droit, le regard fixé devant soi ou bien les yeux fermés, en silence. L’objectif est d’atteindre une sérénité à toute épreuve. La personne entraînée à la méditation est censée parvenir à faire face avec détachement à tous les évènements mentaux ou extérieurs qui se présentent à elle : pensées, émotions ou sensations désagréables,  agitation, adversité, danger. La pratique de la « méditation de pleine conscience », comme on l’appelle aujourd’hui, consiste à s’habituer à regarder son esprit comme un grand ciel imperturbable, capable d’accueillir la pluie comme le soleil, les tempêtes comme le calme plat, les nuages de toutes sortes, sans jamais s’identifier à eux. Le pratiquant est un témoin qui ne juge pas, qui ne participe pas aux émotions qui le traversent. Il se tient pour ainsi dire à la limite de lui-même, développe patiemment ses capacités de concentration et d’équanimité, analyse pas à pas le fonctionnement de son esprit, gagnant ainsi en indépendance et en stabilité face aux mouvements du monde. Cet entraînement à la maîtrise de soi se passerait de tout enseignement. [...]

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