"Faisant mémoire , nous t'offrons" - Le mémorial eucharistique

Dans le sacrement de son corps et de son sang, le Christ récapitule et livre à ses frères toute la mémoire de l’homme et de Dieu. Ainsi l'Eucharistie accomplit le Salut en sa dimension anthropologique , ontologique et théologique.

« Faisant mémoire, nous t’offrons » Le mémorial eucharistique

La veille de sa Passion, Jésus a célébré la Pâque juive actualisant la libération hors d’Égypte. Il a lu ou entendu le verset biblique instituant cette fête, la plus grande de son peuple : « Ce jour-là, vous en ferez mémoire (hébreu zikaron) et vous le fêterez comme une fête pour Yahvé, dans vos générations vous la fêterez, c’est un décret perpétuel » (Exode 12,14). Recevant le Salut du Père par la grâce de cette liturgie, Jésus y inscrit le don qu’il fait de sa vie à Dieu et aux hommes, pour que ce don soit à son tour fêté et actualisé par ses disciples au cours des temps, jusqu’à sa Parousie. « Ceci est mon corps, donné pour vous ; faites cela en mémoire (grec anamnesis) de moi » (Luc 22,19). Et depuis lors les chrétiens font mémoire du mémorial du Seigneur Jésus, ils célèbrent, dimanche après dimanche, et même parfois quotidiennement, la Pâque du Messie d’Israël. Qu’est-il engagé dans ce rite au triple plan de l’anthropologie, de l’ontologie et de la théologie ? Anthropologie La mémoire est partie prenante de la culture humaine. Comme l’a montré Emmanuelle Hénin, elle élabore une esthétique par l’intégration des sensations corporelles à l’intériorité humaine et surtout par l’expérience d’universalité qu’elle rend possible. « Quand le souvenir est suscité par une œuvre d’art, l’émotion est d’emblée épurée de sa contingence et acquiert une dimension universelle qui permet au lecteur ou au spectateur de la ressentir à son tour ¹ » Quoique décalée par rapport à ce que nous appelons habituellement « œuvre d’art », l’Eucharistie accomplit bien une telle expérience en ceux qui y participent. La liturgie catholique ne craint pas, en effet, de mobiliser les cinq sens : la vue, par l’architecture de l’édifice sacré, les habits liturgiques, les cierges, la statuaire ou éventuellement les icônes ; l’ouïe, par la Parole proclamée...

 1 Emmanuelle HÉNIN, « La mémoire − Expérience spirituelle et expérience esthétique », dans ce cahier, p. 54

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