Désirer le plaisir?

Pierre-philippe BRUET
Le plaisir - n°40 Mars - Avril 1982 - Page n° 18

La méfiance assez générale des morales (et parfois de la morale chrétienne) à l'égard du plaisir, ne se justifie pas dans le cadre d'une anthropologie compréhensive. Car le plaisir ne trace pas une ligne de plus grande pente où s'engouffre la nature faillible, mais il marque - à tous les niveaux - le signe du travail de l'Un.
Il ne s'agit que d'y collaborer, pour qu'il advienne en plénitude.

 La première page, 18, est jointe.

DANS l'histoire de la pensée occidentale. L'éthique n'a pas été plus tendre que l'ontologie bavarde quant au statut et à la nature du plaisir. Les systèmes hédonistes sont rares, d'Aristippe à Stuart Mill. Eux-mêmes d'ailleurs, distinguent souvent les plaisirs en catégories axiologiques, pour n'approuver que ceux qui sont les plus éloignés de la conception commune du plaisir. Les termes d'hédonisme et de sensualisme ont acquis une signification évidemment péjorative, qui n'est pas sans rapport avec une compréhension abusive du concept kantien de « pathologie». Si bien que la réflexion contemporaine semble avoir abandonné le sujet: un rapide survol bibliographique, dans le Bulletin Signalétique du C.N.R.S. [[Pour cette enquête, je remercie Mlle A.-M. Guillaume, assistante aux Facultés Universitaires de Namur.]], révèle que les travaux significatifs sont rares; ils portent presque exclusivement sur les doctrines grecques antiques, l'utilitarisme anglo-saxon et la controverse contemporaine, anglo-saxonne elle aussi, issue des écrits de G. Ryle et de la philosophie analytique.

On regrettera cette situation pour deux raisons. La première est de circonstance: notre société de production-consommation vit sous l'empire d'idéologies hédonistes, ou qui se prétendent telles, et les philosophes paraissent résignés à leur laisser le champ libre. Notre seconde raison est strictement philosophique, mais nous l'exprimons ici sur le mode intuitif. Pourquoi cette indifférence et parfois cette hargne de la philosophie contre le ou les plaisirs, alors que ceux-ci jouent un rôle si important dans l'existence humaine, alors qu'ils se montrent comme l'immédiatement désirable, alors enfin qu'ils sont des créatures? (p.18)

 

La nécessaire réflexion sur le plaisir doit s'ancrer dans la question fondamentale : le plaisir est-il désirable ? Le paradoxe réside ici dans la seule formulation. Car le problème est de droit et l'histoire de la philosophie oppose fréquemment le fait d'un désir indéniable à son illégitimité — relative — dans la perspective morale. Nous désirons le plaisir, mais pouvons-nous nous régler sur ce désir ? En d'autres termes, le ou les plaisirs peuvent-ils être poursuivis comme des fins ? La question s'annonce radicale : sa solution réside à l'évidence dans l'être, ou le non-être éventuel, du ou des plaisirs.

L'Etre du plaisir : le plaisir d'être ...

 

 


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