Du cimetière païen au cimetière chrétien

C'est au cours du VIII° siècle que les cimetières extensifs, hérités de l'Antiquité, disparurent peu à peu : les grandes nécropoles de la périphérie des villes laissèrent la place au regroupement des tombes autour des églises, ce qui changea aussi les modes d'inhumation.Cette double mutation témoigne d'une large progression de l'imprégnation chrétienne.

Les cimetières, comme Philippe Ariès l'a magnifiquement montré, constituent une source documentaire pri-vilégiée pour toute approche des attitudes de l'homme devant la mort. Si les cimetières de l'époque contemporaine – et quelques rares cimetières plus anciens – peuvent se prê-ter à une étude directe en raison de leur état de conservation, celle-ci s'avère difficile, voire impossible, pour la plupart des sites antérieurs au siècle dernier dont ne subsistent au mieux que quelques monuments ou secteurs privilégiés : force est donc à l'historien de solliciter les sources écrites et iconogra-phiques pour tenter de restituer l'image de ces champs de sépultures disparus. Bien souvent, hélas, ces sources tradi-tionnelles de l'histoire se font d'autant plus rares que l'on remonte le temps, et l'historien ne peut alors que recourir à l'archéologie pour étayer ses recherches. C'est notamment le cas pour la fin de l'époque romaine et l'époque mérovin-gienne (IVe-VIIIe siècles) que nous retiendrons ici, dans les limites des anciennes provinces romaines de Gaule et de Germanie, c'est-à-dire entre les Pyrénées et le Rhin.

Longtemps négligée par les antiquisants et les médiévistes, la période charnière que constituent l'Antiquité tardive et le haut Moyen Âge (environ IVe-Xe siècles) a été en quelque sorte réhabilitée depuis une trentaine d'années, notamment sous l'impulsion de Henri-Irénée Marrou et de ses élèves. [...]