Alain BESANÇON
L'imagination
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n°86
Novembre - Décembre
1989 - Page n° 100
Pour avoir manqué de discernement politique, l'Eglise a perdu de vue ce qu'était César, à savoir un pouvoir politique imparfait, mais garant du bien commun, et ne s'est pas aperçue à temps qu'elle avait affaire à bien pire : des Etats fondés sur des idéologies, nazie hier, léniniste aujourd'hui, avec lesquels un vrai «dialogue» est impossible. Le refus de la politique au nom d'un spiritualisme ou d'une exhortation moralisante laisse le champ libre à l'invasion de l'idéologie : celle-ci impose ses catégories (« capitalisme », « socialisme », etc.), non parfois sans singer en retour le langage de l'Evangile.
Comment l'histoire a-t-elle interprété la parole du Christ : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ? » Le mot qu'il importe de préciser est César. Il signifie le pouvoir politique. C'était aux yeux des Juifs le «type» de la domination illégitime qui pesait sur le peuple élu. Mais aux yeux du monde romain, dont faisait partie la Palestine juive, cette domination avait aussi une légitimité qu'une partie des Juifs reconnaissait. Au temps du Christ en effet, elle avait déjà reçu une justification philosophique. Elle commençait à s'organiser en culte religieux obligatoire, le culte impérial. César, dans cette conception, ce sont les buts qu'une société humaine organisée peut se donner. La paix, la justice, la défense de l'empire, — c'est-à-dire de l'oecoumène — trouvent en César leur centre et pour ainsi dire leur incarnation.
Quand Celse polémiquait avec les chrétiens, il leur reprochait de se dire étrangers au monde et en même temps de profiter de l'ordre social et politique. Ils devraient, dit-il, payer un tribut d'honneur aux empereurs qui veillent sur cet ordre : «Autrement ils paraîtraient singulièrement ingrats envers ces êtres supérieurs, car il est injuste de participer aux biens dont ils disposent et de ne leur rendre aucun hommage en retour» (ch. 110).
En réponse les chrétiens pouvaient faire observer qu'ils rendaient cet hommage : ils priaient pour l'Empereur, même s'il s'appelait Néron, Caligula ou Dioclétien. Ils priaient pour lui parce que son pouvoir — sa «potestas» — venait de Dieu et qu'il était légitimé par la conservation de la société, du corps politique, même si, par haine du nom chrétien, il inca esser qu'au vrai Dieu. Ils rendaient ainsi à chacun ce qui lui était dû, selon l'adage fondamental du droit,
confirmé par le Seigneur : suum cuique. [...]
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