L’autorité, juge de soi

L’autorité, juge de soi

Il devient difficile de justifier l’autorité face à ses contestations, et plus difficile encore de se contenter d’en proclamer l’importance. Que son origine soit tenue pour divine ou qu’elle se veuille humaine, une même érosion la saisit. La cause de cette érosion ne vient pas seulement de l’extérieur (notamment de la déconstruction du principe même d’autorité), elle se montre aussi consécutive à ses propres malfaçons (une conception déséquilibrée) et aux abus de pouvoir en tous genres (tant sur leur légitimité que sur leur exercice). Dans l’Église autant que dans la société civile, il faut avoir le courage de commencer par la nomination des choses pour espérer en reconstruire les fondements. Pas de guérison sans diagnostic ni traitement.

La difficulté s’augmente des glissements de plus en plus rapides d’un plan à l’autre, d’une autorité légitime à des jeux de pouvoir, des abus dans un domaine aux abus dans un autre, achevant de tout décrédibiliser. Par exemple, les abus sexuels occupent le devant de la scène depuis plus de deux décennies. Les voix concordent pour les révéler au grand jour lorsqu’il s’agit d’impliquer des abuseurs publics, puissants ou récidivistes. Les critères d’analyse s’affinent tout autant, y compris pour rapporter de tels abus à n’être qu’une composante des abus de pouvoir, tout cela avec raison. L’abus commis sur les corps achève l’abus d’abord perpétré sur les esprits. Cependant, les langues se délient sur les uns comme sur les autres. Longtemps, on a préféré le silence, dans les familles, dans la société, dans l’Église, pensant à tort préserver le principe d’autorité, alors qu’il s’en trouvait ruiné d’autant. Même si la vérité coûte cher, elle libère. Cela ne fait que commencer.

Par ricochet, il devient inévitable que l’attention se déplace en direction même de ces abus de pouvoir, comme éclairée par des procédés qui se montrent aussi spécifiques que répétitifs. Avertis dans un domaine, nous devenons plus exigeants dans un autre, lequel de surcroît se révèle plus principiel que lui. C’est donc par le biais des abus les plus spectaculaires, les abus sexuels, plus navrants et souvent plus attentatoires (parfois aussi plus affriolants) que la conscience commune considère d’un œil plus aiguisé les abus plus fondamentaux, ceux qui régissent les dysfonctionnements du pouvoir...