Monsieur Christophe BOURGEOIS
Autorité et pouvoir
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n°302
Novembre - Décembre
2025 - Page n° 9
Editorial de Christophe Bourgeois : Le propre de l’autorité
La contestation de l’autorité s’impose partout, à moins qu’il ne s’agisse plus simplement de sa pure et simple disparition. Il est déjà trop tard pour déplorer le déclin ou le « crépuscule » de l’autorité 1 : Hannah Arendt parlait déjà, en 1958, de l’autorité comme un passé révolu : « l’autorité a disparu (has vanished) du monde moderne 2 ». Notre situation n’a guère évolué. Un tel constat suscite en retour – et depuis longtemps – le désir d’une restauration, tout aussi légitime qu’incertain. Le couple déclin-restauration risque fort de nous abuser car nous devons moins déplorer une « crise de l’autorité », comme on l’entend partout, qu’une perte du sens de l’autorité − au sens propre : c’est d’ailleurs la définition de l’autorité qui constitue pour Hannah Arendt la question décisive. Le brouillage dont cette notion est toujours l’objet condamne par avance toutes les postures qui prétendent, à coup de slogans, défendre ou restaurer qui l’autorité de l’État, qui celle de l’école ou des magistrats... On aura d’ailleurs tôt fait d’enrôler les chrétiens dans cette croisade : l’autorité de Dieu offre un prétexte commode à tous les autoritarismes. Comme le note aussi Hannah Arendt, c’est d’ailleurs souvent une approche purement fonctionnelle de l’autorité qui en appelle au « retour » de celle-ci : c’est parce qu’on cherche comment rétablir l’obéissance des subordonnés qu’on défend l’autorité. La conséquence est pour l’auteur évidente : « nous utiliserons la violence et prétendrons avoir restauré l’autorité 3 ». Chacun peut aisément vérifier aujourd’hui la pertinence d’une telle annonce.
Il nous faut donc chercher un sens plus exact de l’autorité, dans la société civile comme dans la vie de l’Église. Car il n’est pas certain que les chrétiens eux-mêmes échappent à ces malentendus, qu’ils interprètent par avance tout acte d’autorité comme un abus de pouvoir ou qu’ils refusent d’envisager qu’on puisse abuser d’une autorité d’autant plus gravement qu’on invoque l’autorité divine dont elle découle. Le présent cahier voudrait contribuer à ce travail de clarification, en repartant de la distinction entre pouvoir et autorité. L’ironie du sort est que cette contribution risque elle-même d’être fort mal comprise : les chrétiens affirment en effet que l’autorité appartient en propre à Dieu. On croira à tort qu’il s’agit de consacrer par là toute autorité et tout pouvoir, voire de recommander un exercice autoritariste du pouvoir. Il s’agit au contraire de rappeler qu’aucun pouvoir ne peut se fonder lui-même et de réclamer que soit reconnue dans l’autorité l’instance critique de tout pouvoir, qui garantit son exercice parce qu’elle le régule – une instance qui n’entrave pas mais autorise – et donc augmente – la liberté.
Transcendance de l’autorité
Il est significatif que la réflexion chrétienne ait repris à son compte la distinction entre les notions romaines de potestas et d’auctoritas. On sait que dans la République romaine – du moins en théorie – la potestas relève du peuple, tandis que l’auctoritas relève du Sénat, qui parce qu’il n’exerce pas la potestasen contrôle la validité, en examinant sa conformité aux principes fondateurs de la cité. L’autorité permet de distinguer l’exercice du pouvoir de ce qui le fonde. Avec le sens pédagogique qu’on lui connaît, Jean-Marie Salamito montre dans la synthèse qui introduit ce cahier comment cette distinction éclaire le sens du mot grec exousia dans certains passages clefs du Nouveau Testament et, en particulier, dans le verset célèbre de l’Épître aux Romains : « Il n’y a pas de pouvoir sinon venant de Dieu » (Romains 13, 1). Cette relation à Dieu ne vient pas sacraliser indûment les pouvoirs ; elle rappelle au contraire que l’autorité divine les limite et les régule. Elle suppose donc une « dissymétrie » entre les « choses de Dieu » et les « choses de César », sur laquelle les Pères fondent leur compréhension du pouvoir politique mais aussi du rôle des chrétiens dans la cité : leur loyalisme n’exclut ni l’examen critique ni la résistance. Cette distinction entre auctoritas et potestas permet aussi de penser la relation entre l’Église, qui revendique une autorité morale et non un pouvoir coercitif, et les pouvoirs civils 4.
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