Apologétique et théologie − La leçon inaugurale d’Henri de Lubac en 1929

Apologétique et Théologie - La leçon inaugurale d’Henri de Lubac en 1929¹

Le P. Henri de Lubac (1896- 1991), jésuite, créé cardinal par le Pape Jean-Paul II, est un théologien majeur du XXe siècle ; il est l’auteur d’une œuvre considérable rencontrant pratiquement tous les domaines de la théologie et de son histoire, sans oublier son dialogue avec la philosophie et ses travaux sur les religions orientales. Il fut également nommé expert au concile Vatican II, d’où son Journal qui a été publié. Il n’a pas fondé d’école théologique au sens strict, mais son influence fut très importante, les thèses qui lui sont maintenant consacrées sont nombreuses, elles dépassent de beaucoup le monde francophone, d’où le rayonnement de sa pensée. En outre sa personnalité spirituelle, son attachement à l’Église, y compris au milieu de polémiques qui ont pu le viser douloureusement, son courage physique et son discernement moral au cours de la dernière guerre expliquent l’ouverture par l’Église, en 2023, d’un « procès » en vue d’une éventuelle béatification.

L’article qui suit ne présente pas tel ou tel aspect de l’œuvre du Cardinal, mais rend compte, en soubassement, de sa grande intuition, de sa volonté déterminée de repenser le lien qui doit unir théologie et apologétique. Un lien traditionnel certes, mais oublié par ses prédécesseurs immédiats ou par beaucoup de ses contemporains. C’est le projet énoncé dans l’œuvre que nous analysons, mais, comme toujours chez le P. de Lubac, le propos apparaît au sein d’analyses historiques rendant compte du contexte intellectuel prégnant mais aussi de la tradition théologique illustrant la richesse de la pensée chrétienne.

Cette leçon prononcée à Lyon par le P. de Lubac pour inaugurer son enseignement universitaire revêt nécessairement une forme très académique. Les auditeurs, peu nombreux, appartenaient tous au monde universitaire. Parmi les productions de l’auteur, ce texte occupe une place originale. Seul l’essai sur « La philosophie chrétienne » de 1936 pourrait lui être facilement comparé. Ce discours-programme se confronte à la situation théologique du moment qui ne nous est plus fami...

 1 Ce texte a été publié dans la Nouvelle Revue théologique en mai 1930, il a été repris dans le volume Théologies d’occasion, Paris, Desclée de Brouwer, 1984, pages 97-111. Nous citerons d’après cette édition de 1984.