On vient de fonder en France une société de thanatologie. Quel enrichissement pour le cercle des sociétés savantes, qui jusqu'alors s'occupaient de bien des choses, de choses bizarres même, mais jamais aussi macabres : une académie de la mort! En sortira-t-il grand'chose de nouveau? Elle obtiendrait déjà un beau succès si elle parvenait à nous faire mieux concevoir ce qui n'est pas nouveau et semble bien connu depuis fort longtemps : nous sommes mortels jusqu'à la dernière fibre de notre vie; nous nous trouvons dans la nécessité, qui du reste nous honore, de prendre position par rapport à elle.
Problématique
Gerd Haeffner : Vivre face à la mort
On vient de fonder en France une société de thanatologie. Quel enrichissement pour le cercle des sociétés savantes, qui jusqu'alors s'occupaient de bien des choses, de choses bizarres même' mais jamais aussi macabres : une académie de la mort! En sortira-t-il grand'chose de nouveau? Elle obtiendrait déjà un beau succès si elle parvenait à nous faire mieux concevoir ce qui n'est pas nouveau et semble bien connu depuis fort longtemps : nous sommes mortels jusqu'à la dernière fibre de notre vie; nous nous trouvons dans la nécessité, qui du reste nous honore, de prendre position par rapport à elle.
Rémi Brague : Pour un sens chrétien de la mort
La mort ne met pas seulement un point final à la communication entre les personnes. Elle en révèle la finitude, dont elle n'est nullement la cause. C'est juste au moment où meurt celui que nous aimions que nous nous apercevons que nous ne l'avons pas assez aimé, que nous aurions pu et dû l'aimer davantage. La séparation définitive, parce qu'elle est absolue, contient l'exigence d'une communication absolue. C'est la mort qui nous oblige à imaginer ce que pourrait être une communication parfaitement réussie, alors que justement elle nous en refuse toute possibilité. La mort est l’image en creux d’une communication sans limite.
Paul Toinet : Résurrection et immortalité de l’âme
La mort mène grand bruit en notre monde. Non seulement parce qu'on finit toujours par avouer qu'elle saisit chaque vivant — ce n'est pas nouveau; ni parce qu'on y tue activement, malgré toutes les célébrations de la vie — ce n'est nouveau que relativement, par l'importance et la sophistication des moyens de détruire; mais encore parce qu'on bavarde plus que jamais, souvent de façon obsessionnelle, sur la mort : peut-être par besoin morbide d'en oublier le sérieux, et le silence méditatif qui devrait l'entourer. Par là, on tend à taire, presque systématiquement, ce qui conteste le pouvoir apparemment souverain de la mort : résurrection et immortalité.
Intégration
Jean Duchesne: Dans une mort ambiguë
Rares sont ceux qui avouent s’intéresser à la mort. On n’envisage pas si facilement ni allègrement ce point final et définitif de sa propre vie. Considérer froidement la mort des autres a l’air indécent à force de cynisme ou d’abstraction. Insupportable parce que sans remède, mal connue parce qu’inexpérimentable par soi-même, et pourtant seule certitude humaine, la mort est l’objet d’un « tabou » : un ensemble de douleur, de mystère et de contradictions l’enveloppe d’un silence prudent. Et les corbillards se faufilent discrètement dans les embouteillages.
Jean Mouton : Une mort de papier — l'écrivain devant la mort
Tout mourant serait par excellence un écrivain; car ses paroles lui appartiennent en propre; même si celles-ci répètent assez souvent celles qui ont déjà été employées par d'autres humains soumis à l'épreuve commune. Il n'existe pas de formule pour signaler le dernier départ.
Docteur X : Entre la vie et la mort : la réanimation
L’auteur de cet article est un médecin anesthésiste. Il a souhaité garder l’anonymat. D’abord parce que, sur sa demande, son texte a été revu par la rédaction, à partir d’entretiens plus développés. Ensuite parce que la difficulté des problèmes soulevés et l’abrupt de certaines positions invitent à une discrétion sans polémique. Nous avons fait droit à ce désir, et soulignons d’autant plus que cet article doit être lu comme il a été médité : comme une recherche, et non comme un énoncé de thèses.
Attestations
Communautés des Oblates de l’Eucharistie: Vivre sa mort
Ces quelques pages ne sont que le témoignage très concret, très limité sans doute, de ce que vit, de ce que voit vivre une congrégation. Pendant de longues années, notre Mère fondatrice a cherché, poussée par l’Esprit Saint, à faire partager l’expérience spirituelle qui était la sienne et qu’elle résume en un mot : « l’état livré », celui du Christ faisant siennes ces paroles du Psaume : « Voici que je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté » (Psaume 40, 8). Vivant de cette contemplation du Christ, c’est-à-dire de cette incarnation en elle du mystère de Dieu, c’est cette expérience même que notre Mère nous invite à partager : contempler ce « oui » du Christ, ce « oui » du Fils venu dans le monde pour sauver tous les hommes et remonter au Père entraînant avec lui ses frères.
Guy Gaucher : «Jamais je ne vais savoir mourir ! » — Thérèse de Lisieux
L’hagiographie traditionnelle aime les images d’Epinal : celle de « la mort du saint » en est une des plus traditionnelles. Thérèse de Lisieux, morte il y a seulement 78 ans, aurait dû échapper à la légende. Pourtant l’imagerie pieuse continue de véhiculer le cliché de la pâle religieuse mourant en effeuillant des roses, un « céleste » sourire aux lèvres. Les travaux du Centenaire ont tenté de faire la vérité : en fait, l’agonie et la mort de cette jeune fille de vingt-quatre ans furent d’un réalisme impitoyable. Mais les légendes ne meurent pas.
Signets
Michel Sales: L'onction des malades : sacrement de la vie donnée
On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres, qui sait ? Georges Bernanos
Michel Costantini : L'indicible et l'appel : à propos de livres récents sur la mort
S'il fallait consigner ici toutes les parutions récentes qui interrogent de front le fait de notre mort, ces quelques pages ne suffiraient pas à en épuiser la bibliographie. Jamais le discours sur la mort ne s’est multiplié de façon si florissante. Il est à noter cependant qu’il passe une bonne moitié de son temps à remarquer que la mort est devenue un sujet tabou, l’obscène par excellence en même temps que le sexe était libéré d’une ancestral exclusion...
Louis Bouyer : La colonne et le fondement de la vérité de P. Florensky
Un livre absolument extraordinaire, difficile, souvent contestable, mais d’une richesse inépuisable, par endroits (nombreux) d’une exceptionnelle beauté, mais toujours inspirateur, provocant même! On le roirait écrit d’hier, après une étude attentive du logical positivism et des différentes formes d’analyse linguistique.
Vivre face à la mort
Gerd Haeffner
Quand un homme meurt, ce n'est pas seulement un organisme qui se décompose, organisme qui posséderait entre autres fonctions quelque chose comme un « savoir »; mais c'est l'existence concrète d'une personne irremplaçable qui concentre en soi, à sa manière, tout un monde. On peut bien considérer l'homme comme un organisme en ce que, sur plus d'un point, son corps partage avec l'animal une même manière de s'organiser, de répartir
ses fonctions, de se faire et de se défaire. Mais ce qui meurt, ce n'est pas un corps, c'est 4e sujet qui l'habite. Or l'animal n'a pas du tout la même manière d'être un sujet que l'homme. L'homme n'est donc pas mortel de la même manière que l'animal.
Seul peut « mourir » un être qui, de quelque manière que ce soit, peut être sujet. Une voiture ou une pierre, par exemple, ne le peuvent pas, tandis qu'une plante le peut, et l'animal, encore plus nettement. L'animal peut être sujet dans la mesure où il est d'une certaine manière lui-même le centre auquel il se rapporte. Ce qui est autre que lui, ou lui-même, peut être rendu présent à l'animal : c'est pour celui-ci, par rapport à lui, qu'il y a des ennemis, des choses qui se mangent, qui abritent, exigent soumission, attirent sexuellement; et d'autre part il est présent à soi-même dans les sentiments du plaisir et de la douleur, de la crainte et du désir. Mais aussi bien la présence de l'autre à l'animal que celle de l'animal à soi-même restent imparfaites, en quelque sorte bloquées [...]
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Michel Sales: L'onction des malades : sacrement de la vie donnée
On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres, qui sait ? Georges Bernanos
Michel Costantini : L'indicible et l'appel : à propos de livres récents sur la mort
S'il fallait consigner ici toutes les parutions récentes qui interrogent de front le fait de notre mort, ces quelques pages ne suffiraient pas à en épuiser la bibliographie. Jamais le discours sur la mort ne s’est multiplié de façon si florissante. Il est à noter cependant qu’il passe une bonne moitié de son temps à remarquer que la mort est devenue un sujet tabou, l’obscène par excellence en même temps que le sexe était libéré d’une ancestral exclusion...
Louis Bouyer : La colonne et le fondement de la vérité de P. Florensky
Un livre absolument extraordinaire, difficile, souvent contestable, mais d’une richesse inépuisable, par endroits (nombreux) d’une exceptionnelle beauté, mais toujours inspirateur, provocant même! On le roirait écrit d’hier, après une étude attentive du logical positivism et des différentes formes d’analyse linguistique.
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