Pratique religieuse ancienne et généralisée, le jeûne a reçu du christianisme un statut particulier : dans l’attente du retour de l’Époux, il manifeste le désir de prendre part au banquet des noces de l’Agneau. Il prépare les corps et les esprits à la célébration de la Pâque. Il rend possible une participation concrète à la célébration de l’Eucharistie et se prolonge dans le partage et la solidarité.
Éditorial : Jean-Robert Armogathe
Thème : Jeûne et Eucharistie
Ioan Moga: Jeûne, liturgie, eschatologie – une approche orthodoxe
Dans la tradition orthodoxe, le jeûne marque le quotidien du chrétien pratiquant, l’insérant dans le rythme du temps liturgique. Il est un chemin vers la fête, acquérant son sens seulement dans la perspective de la fête, et la fête recevant un vrai caractère « festif », voire d’accomplissement liturgique et spirituel, seulement à la fi n d’un parcours ascétique.
Jean-Robert Armogathe: Le jeûne dans la tradition biblique et talmudique
Le jeûne du judaïsme est surtout personnel : le jeûne liturgique s’est considérablement réduit, et a parfois fait l’objet de critiques. Alors que Jésus s’éloigne – pour le jeûne (comme pour le divorce) – des pratiques juives de son temps, le christianisme va lui donner une nouvelle signifi cation.
Patrick Descourtieux: Jeûne et partage dans les Sermons de Carême de saint Léon le Grand
Par un lent mûrissement des pratiques, la tradition a placé l’exercice de la charité dans le prolongement direct du jeûne. Au Ve siècle, saint Léon le Grand lie, de façon impérative, jeûne et oeuvres de charité, ciments de communion, résumé de toute vie chrétienne. Ce temps d’effort de l’Église apparaît comme temps de grâce ; le chrétien y est invité à abandonner son égoïsme par les oeuvres de miséricorde.
Béatrice Caseau: Les chrétiens et la pratique du jeûne durant l'antiquité et les débuts du Moyen Âge
Au cours de l’antiquité et du Moyen Âge, la pratique du jeûne fut, d’abord, effort individuel, pratiqué sans ostentation, comme le demandait Jésus à ses disciples. Ensuite, les premiers siècles du christianisme se sont heurtés à la diffi culté de faire évoluer le jeûne d’une pratique ascétique individuelle à une pratique collective encadrée. L’Épître aux Romains évoque cette difficulté et les tensions qu’elle engendre.
Miklos Vetö: Jeûner – Pourquoi ? Pour qui ?
Le jeûne, comme pratique religieuse et morale, consiste à se priver d’un bien en vue d’obtenir pour soi-même une faveur particulière ou une purifi cation. On peut jeûner également pour les autres : on consent alors au transfert des mérites et des fruits de l’ascèse à autrui. En dernière instance – et c’est peut-être le sens profond de cette pratique humaine – on jeûne pour participer à sa manière à l’oeuvre kénotique de Dieu qui a créé et sauvé les hommes et qui continue à les créer et à les sauver.
Pierre Lory: Le jeûne en islam
Le jeûne du mois du Ramadan est un des temps forts de l’année liturgique musulmane, et son impact social est considérable. Les musulmans pratiquent également d’autres modalités de jeûne, non obligatoires, pour des motifs d’expiation, de dévotion, voire de mystique.
Dossier : La santé
Isabelle Durand-Zalewski : La santé des personnes peut-elle être assurée par les politiques de santé ?
Décréter, comme le fait l’OMS, que la santé ne se réduit pas « en une absence de maladie ou d’infi rmité », mais qu’elle consiste en « un état de complet bien-être physique, mental et social » est l’expression d’un idéal admirable et respectable. Faut-il en conclure que les politiques publiques de santé remplissent la mission évangélique ?
Hans Urs von Balthasar: La santé entre science et sagesse
Le rapport entre sagesse et médecine a évolué au cours de l’histoire. Derrière toute définition de la santé se trouve aussi une conception particulière de l’homme et du monde. Si la médecine contemporaine repose sur des connaissances exactes, jusque dans le domaine de la psychothérapie, le médecin devrait cependant tenir compte de toutes les dimensions de l’homme chez son patient. Mais seul le christianisme peut envisager non seulement la guérison, mais aussi le salut de ce dernier.
Jean-Pierre Batut: De la nature à la gloire, la grâce de la maladie
Comme la mort, la maladie est « salaire du péché » (Romains 6,23), et à ce titre non voulue par Dieu. Mais, traversée par le Christ comme il a traversé la mort, la maladie peut, comme elle, se retourner en lieu sacramentel du salut et de la coopération au sacrifi ce pascal, pour l’Église et pour le monde. Dans l’épaisseur de la nature corruptible, la maladie devient grâce et fi gure de la gloire.
Valeer Neckebrouck : Qui est compétent pour parler de la maladie et de la santé ? Quelques aspects de la médecine traditionnelle
Les médecins occidentaux peuvent-ils continuer à s’enfermer dans la forteresse impénétrable de leur savoir scientifi que ou convient-il plutôt de conjuguer leurs connaissances éprouvées et les savoirs originaires d’autres horizons, mobilisant de la sorte toutes les ressources disponibles dans un effort renouvelé pour affronter la souffrance humaine causée par la maladie ?
Éditorial
Jean-Robert Armogathe
«Pour traiter à ce coup ici du jeûne et de ce qu’il est requis de faire pour bien jeûner, il faut savoir avant toute chose que de soi le jeûne n’est pas une vertu, car les bons et les mauvais, les Chrétiens et les païens l’observent 1. »
Il est important de garder présent cet enseignement de François de Sales pour bien comprendre la valeur chrétienne de cette pratique ancienne, généralisée et polysémique, généralement liée aux cultes de renouvellement : le jeûne a fait l’objet chez les historiens des religions de plusieurs interprétations, qui peuvent être ramenées à trois groupes :
a – le retour d’une nouvelle vitalité dans des périodes d’infertilité, une sorte de transfert d’énergie au profit des puissances qui fertilisent la nature2 ;
b – une méthode pour entrer dans un état permettant d’avoir des visions3 ;
c – une préparation spirituelle pour le partage d’un repas.
On notera que le jeûne fait souvent partie d’un comportement global d’affliction (abstinence sexuelle, mortifications, silence...). Le succès des formules « jeûne et randonnée », les nombreuses offres de jeûnes diététiques, les pratiques de jeûnes thérapeutiques (comme la méthode Büchinger) montrent bien que le jeûne est en vogue, de manière ambiguë4. [...]
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1. François de Sales, Sermon pour le Mercredi des Cendres (9 février 1622), Œuvres complètes, éd. d’Annecy, tome X, Sermon LX, p. 197.
2. C’est la thèse du bibliste américain T. H. Gaster (1906-1992), Thespis : Ritual, Myth, and Drama in the Ancient Near East, New York, 1950.
3. Selon l’anthropologue britannique Edward Tylor, violemment antichrétien, dans Religion in Primitive Culture, le second volume de Primitive Culture, Londres, 1871.
4. http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/08/15/le-jeune-en-vogue-mais controverse-est-il-si-bon-pour-la-sante_3443212_3244.html [L'article n'est malheureusement plus accessible en ligne].
Dossier : La santé
Isabelle Durand-Zalewski : La santé des personnes peut-elle être assurée par les politiques de santé ?
Décréter, comme le fait l’OMS, que la santé ne se réduit pas « en une absence de maladie ou d’infi rmité », mais qu’elle consiste en « un état de complet bien-être physique, mental et social » est l’expression d’un idéal admirable et respectable. Faut-il en conclure que les politiques publiques de santé remplissent la mission évangélique ?
Hans Urs von Balthasar: La santé entre science et sagesse
Le rapport entre sagesse et médecine a évolué au cours de l’histoire. Derrière toute définition de la santé se trouve aussi une conception particulière de l’homme et du monde. Si la médecine contemporaine repose sur des connaissances exactes, jusque dans le domaine de la psychothérapie, le médecin devrait cependant tenir compte de toutes les dimensions de l’homme chez son patient. Mais seul le christianisme peut envisager non seulement la guérison, mais aussi le salut de ce dernier.
Jean-Pierre Batut: De la nature à la gloire, la grâce de la maladie
Comme la mort, la maladie est « salaire du péché » (Romains 6,23), et à ce titre non voulue par Dieu. Mais, traversée par le Christ comme il a traversé la mort, la maladie peut, comme elle, se retourner en lieu sacramentel du salut et de la coopération au sacrifi ce pascal, pour l’Église et pour le monde. Dans l’épaisseur de la nature corruptible, la maladie devient grâce et fi gure de la gloire.
Valeer Neckebrouck : Qui est compétent pour parler de la maladie et de la santé ? Quelques aspects de la médecine traditionnelle
Les médecins occidentaux peuvent-ils continuer à s’enfermer dans la forteresse impénétrable de leur savoir scientifi que ou convient-il plutôt de conjuguer leurs connaissances éprouvées et les savoirs originaires d’autres horizons, mobilisant de la sorte toutes les ressources disponibles dans un effort renouvelé pour affronter la souffrance humaine causée par la maladie ?
Les quatre articles proposés ici ont trois points communs.
Chacun d’entre eux, à sa façon, affirme que le salut est plus important encore que la santé. Lorsque nos contemporains valorisent la santé et tendent à en faire le tout de nos vies, ils vont plus loin encore que de la défi nir comme « état de complet bien-être physique, mental et social et pas seulement l’absence de maladie et d’infi rmité » (OMS, 1947), mais certainement oublient la limite que posait Descartes en la désignant comme « le plus grand de tous nos biens qui concernent le corps » (A. Chanut, 3 mars 1647). Si le salut importe plus encore que la santé qui est pourtant un très grand bien, ce n’est pas pour consoler les malades et les mourants par l’illusion d’un autre monde, mais bien, dès maintenant, pour éprouver la joie du don. Or, si peu que nous l’expérimentions, le don n’est possible que parce que Dieu nous en montre l’exemple, nous en permet l’espace, et en fonde pour nous la possibilité, de tout Son être donné. Le salut l’emporte sur la santé parce que Dieu est don. La maladie est un lieu de la révélation de ce don de Dieu.
Second point, ces quatre articles soulignent tous l’importance de la personne singulière. Jésus guérit la personne, tandis que les politiques de santé ne visent que des populations. La science est souvent bien générale, tandis que la sagesse seule s’adresse à nos singularités de personnes. Le don de Dieu n’est pas une théorie, mais ne se révèle que dans ma faiblesse. Enfin, dans la science du soin médical, la sagesse l’emporte sur la science, comme le soin de l’âme à un moment l’emporte sur celui du corps, sans qu’il y ait pourtant dans ces primautés nul dualisme réducteur. Les médecines dites traditionnelles nous rappellent combien toute maladie est théo-psycho-somatique en impliquant notre corps, notre âme et Dieu.
Puisque tout a été créé par le Christ et pour Lui (Colossiens 1,16), pour qu’Il le remette à Son Père, la santé et la maladie sont aussi par et pour Lui. Sa force agit là dans notre faiblesse, sans quoi nous ne saurions pas comment aimer, ni comment L’aimer.
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