Le pays derrière les larmes

Dans cet entretien, Jean-Pierre Lemaire nous invite à méditer sur la grâce des larmes et  sur le drame de leur absence. En poète, il dit combien un nuage, une statue, des bourgeons peuvent devenir des signes pour la vie spirituelle. Mais l’auteur du Pays derrière les larmes montre aussi combien la Bible est une ressource inépuisable pour comprendre leur capacité à remettre la vie en mouvement.

En 2015, l’éditeur Gallimard, qui a publié la majeure partie des recueils de Jean-Pierre Lemaire dans la collection blanche, propose au poète de constituer une anthologie de ses poèmes dans sa collection de poche (Poésie/Gallimard). L’auteur décide de l’intituler Le Pays derrière les larmes en référence à un poème de son premier recueil (voir plus bas). Par ce titre, il plaçait l’ensemble de son oeuvre sous le signe des larmes. Il paraissait d’autant plus intéressant de lui demander pourquoi. Une relecture de son oeuvre montre que ce thème reste discrètement présent dans la plupart de ses recueils.

Patrick Piguet : Dans un de vos recueils, L’Annonciade, une section s’intitule « Don des larmes ». Cependant, on peut y lire le poème suivant où les larmes ne parviennent pas à couler :

Le soleil va bientôt ébrécher la coupe
de la vallée blanche où il verse déjà
des flots d’or silencieux. Tu as les yeux secs
en face de lui : toujours cette fine
aiguille de verre entrée dans le coeur
avec l’effondrement du palais des glaces
− éclat que le Malin a gardé en nous
qui ne savons plus parler ni entendre
rire ni pleurer. Des écoliers s’en vont
cartable au dos sur les chemins neigeux.
Quand le soleil monte, en regardant luire
les bourgeons de l’érable, on devine les larmes
rouges de la terre, on sent que vont couler
celles qu’avait taries le meurtre d’Abel
les larmes d’Adam, qui précèdent les nôtres.

Dans ce poème, vous semblez dire que de ne pas savoir pleurer est un mal : pourquoi? [...]

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