n°253 La tradition Septembre - Octobre 2017*


Adversaires et partisans de la Tradition s’opposent souvent sur un contre-sens : insérée dans une histoire qu’elle transcende, la Tradition vivante est la plus immédiate médiation entre nous et l’enseignement du Christ. Son développement organique est le signe visible de la vitalité de l’Eglise qui, tel un bon maître de maison, tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes.                                                          

Page Titre Auteur(s)
7 La tradition, une chose neuve Jean-Robert ARMOGATHE
21 Tradition et vie de l’Église – Une première exploration Joris SCHRÖDER
29 L’esprit à l’œuvre Jean DUCHESNE
39 Note sur Traditio chez Tertullien Jean-Robert ARMOGATHE
47 La Tradition – De l'implicite vécu à l'explicite connu Une relecture de Maurice Blondel, Histoire et Dogme Peter HENRICI
59 Herméneutique de la réforme – Réforme de l’herméneutique Sur le progrès et le renouvellement de la tradition de l’Église Julia KNOP
73 Livrer et se livrer – la tradition chez Karl Barth Damien ARTIGES
83 La momie de Joseph, le livre de Josias Garantie et péril de la tradition prophétique juive Alfred BODENHEIMER
93 Manuel García Morente, une conversion peu ordinaire Angel Manuel Rodriguez CASTILLO
102 À la vérité de toute mon âme..... La conversion de Ali Mulla-Zadé devenu Monseigneur Paul Ali Mulla Zadé Marie-Jeanne COUTAGNE
113 John Henry Newman – La croyance au naturel Gregory SOLARI

Éditorial     Jean-Robert Armogathe : La tradition, une chose neuve

Thème : La tradition

Joris Schröder : Tradition et vie de l’Église  –  Une première exploration

La Tradition n’est pas seulement un contenu transmis : c’est la mémoire vivante de l’Église comme communauté, où la foi s’enrichit dans la pratique liturgique, la vie religieuse et le témoignage des martyrs.

Jean Duchesne : L’esprit à l’œuvre

La Tradition catholique est dynamique, c’est la transmission de la vie même de Dieu qui est communication au sein de la Trinité et s’extériorise dans la Création, puis dans la Révélation, achevée avec la Pentecôte : l’Esprit Saint, invisible et muet mais présent et actif de toute éternité aux côtés du Père et du Fils, entretient, dans le temps de l’Église, cette dynamique qui, loin d’inspirer des ambitions d’appropriation, aspire au contraire dans son élan de don de soi et de communion.

Jean-Robert Armogathe : Note sur Traditio chez Tertullien

Le théologien africain Tertullien (vers 155-160, † après 220) s’est trouvé confronté à devoir exposer en latin la « règle de foi » chrétienne. Pour expliquer la tradition (et la défendre devant des hérétiques), il a recours à un terme de droit qui entraîne une définition dynamique de la transmission apostolique.

Peter Henrici : La Tradition – De l'implicite vécu à l'explicite connu Une relecture de Maurice Blondel, Histoire et Dogme

L’historicisme de Loisy et le fondamentalisme de ses adversaires ont conduit Maurice Blondel à proposer en 1904 une définition de la Tradition intégrée dans l’Église comme l’exact développement de la double nature humano-divine du Christ.

Julia Knop : Herméneutique de la réforme – Réforme de l’herméneutique -  Sur le progrès et le renouvellement de la tradition de l’Église

Entre rupture et continuité, Benoît XVI a proposé le paradigme de la réforme pour les développements doctrinaux rendus possibles par Vatican II et mis en oeuvre par le pape François. À partir des exemples de la liberté religieuse, de l’oecuménisme et de la liturgie, l’auteur montre que le jugement théologique qui valide l’ancienne Tradition sert de preuve à une légitime réforme, c’est-à-dire à une substantielle continuité malgré un changement de la forme.

Damien Artiges : Livrer et se livrer –  La tradition chez Karl Barth

Abordant le thème de la Tradition, Karl Barth rappelle que dans le Nouveau Testament « transmettre », c’est livrer Jésus Christ, en deux sens : comme transmission de l’Évangile ou comme trahison. Paul et Judas, tout opposés qu’ils soient, sont réunis par le choix premier de Jésus de se livrer soi-même.

Alfred Bodenheimer : La momie de Joseph, le livre de Josias - Garantie et péril de la tradition prophétique juive

La momie de Joseph, les livres saints retrouvés par Josias : à partir de ces deux exemples, l’auteur réfléchit sur la tradition prophétique en Israël, entre la certitude de la foi et l’intermittence de la mémoire. 

Dossier : De quelques convertis du XXè siècle

Ángel Manuel  Rodríguez Castillo : Manuel García Morente, une conversion peu ordinaire   

L’Espagnol Manuel García Morente (1886-1942) offre l’exemple d’une conversion spectaculaire. Fils d’un médecin athée et d’une mère très pieuse, il vint en France poursuivre ses études de lettres et philosophie et suivit les cours de Bergson. La guerre civile, l’exil à Paris, loin des siens, l’ébranlèrent profondément et le menèrent à « cette nuit du 29 au 30 avril 1937 où se produisit le " fait extraordinaire" », véritable chemin de Damas qui le conduira au sacerdoce en décembre 1940 ; jusqu’à sa mort, il partagea sa vie entre sa charge sacerdotale et ses cours de philosophie à l’université.               

Marie-Jeanne Coutagne : À la vérité de toute mon âme..... La conversion de Ali Mulla-Zadé devenu Monseigneur Paul Ali Mulla Zadé  

Itinéraire spirituel de Mehémet Ali Mulla-Zadé (1882-1959), jeune musulman issu d’une famille turque de Crète, venu faire ses études en France, d’abord à Aix-en-Provence où il suivit les cours de Maurice Blondel ; baptisé sous le nom de Paul, ordonné prêtre en 1911, nommé professeur à l'Institut Pontifical d'Études Orientales (Rome) en 1924, il devint prélat d’honneur et fut cité par Pie XI dans son encyclique Rerum orientalium du 8 septembre 1928.

Signet 

Grégory Solary : John Henry Newman, la croyance au naturel 

C’est dans la Grammaire de l’assentiment (1870) que Newman expose le mieux la conviction qui l’habite dès le premier moment de sa réflexion sur le rapport de la foi et de la raison, centrale dans sa vie aussi bien que dans sa pensée : croire est naturel. Rappelant la phrase de saint Ambroise que Newman plaça en exergue – « Ce n’est pas par la dialectique qu’il a plu à Dieu de sauver son peuple » – l’auteur tente d’expliquer ce que Newman  entend par « assentiment » .

La tradition, une chose neuve

Jean-Robert Armogathe

 

« Cette foi, que nous avons reçue de l’Église, nous la gardons avec soin, car sans cesse, sous l’action de l’Esprit de Dieu, telle un dépôt de grand prix renfermé dans un vase excellent, elle rajeunit et fait rajeunir le vase même qui la contient  […].  Ceux qui s’excluent de l’Esprit de Dieu ne se nourrissent pas aux mamelles de leur Mère en vue de la vie et n’ont point part à la source limpide qui coule du corps du Christ ». Irénée de Lyon, Contre les Hérésies III, 24, 1 (trad. A. Rousseau, Paris, 1984, p. 395)

« Ce que les Apôtres ont vu dans la source les a assurés de toute la suite ; ce que nous voyons dans la suite nous assure de ce qu’on a vu et admiré dans la source » Bossuet[1].

 

Au commencement était la tradition : autrement dit, ce que Jésus avait dit et fait a, pendant plusieurs générations, été transmis oralement. Les spécialistes ne sont pas d’accord sur la date de la première fixation écrite des récits évangéliques, mais un consensus existe pour estimer que les petites communautés de croyants qui, chacune à sa manière, adhéraient à la Voie, ont transmis pendant plusieurs générations, de façon orale, les composants essentiels du message (le kérygme). La fixation par écrit n’a pas arrêté la transmission orale, qui s’est poursuivie jusqu’au milieu du IIè siècle : en témoignent ces dits et ces actions de Jésus ignorés des textes canoniques et rapportés par des pièces archéologiques datées du IIè siècle (ce qu’on appelle des agrapha, c’est-à-dire des dits non canoniques).

Dans beaucoup de langues, le mot tradition est équivoque, car il désigne à la fois le fait de transmettre, la transmission, et le contenu qui est transmis qu’on appelle aussi tout simplement tradition. Le mot grec paradosis ne fait pas exception (dans la langue classique), mais dans le Nouveau Testament, il désigne toujours le contenu transmis, et non pas celui qui transmet ni le mode de transmission (voir la note en annexe). Mais il faut tenir compte d’autres passages qui se réfèrent à la tradition sans utiliser le mot (par ex., quand Paul parle de « recevoir », 1 Thessaloniciens 2, 13). Enfin, le contenu de cette transmission n’est pas toujours précisé : il s’agissait probablement des paroles et actes de Jésus à la Cène, ou d’une brève déclaration christologique (« Jésus est Seigneur »[2]) ou encore d’une liste des apparitions (et des témoins) du Ressuscité.

Mais quand on scrute cette tradition, on ne peut pas ne pas buter sur la question du Canon[3] : quand les Écritures chrétiennes furent-elles encadrées, « canonisées », de sorte qu’elles ont enfermé en elles tout le contenu de la Révélation ? On sait qu’entre 100 et 150 plusieurs textes circulèrent, reçus comme des témoignages authentiques de l’enseignement des Apôtres : [...]

 

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[1] Bossuet, [Première] Instruction pastorale [1700], 23, éd. Lachat, Paris, 1864, t. 31, p. 106.

[2] Larry W. Hurtado Le Seigneur Jésus Christ. La dévotion envers Jésus aux premiers temps du christianisme, Paris, Éditions du Cerf, « Lectio divina », 2009.

[3] Voir Communio 2012, 3 : « Le canon des Écritures ».

Dossier : De quelques convertis du XXè siècle

Ángel Manuel  Rodríguez Castillo : Manuel García Morente, une conversion peu ordinaire   

L’Espagnol Manuel García Morente (1886-1942) offre l’exemple d’une conversion spectaculaire. Fils d’un médecin athée et d’une mère très pieuse, il vint en France poursuivre ses études de lettres et philosophie et suivit les cours de Bergson. La guerre civile, l’exil à Paris, loin des siens, l’ébranlèrent profondément et le menèrent à « cette nuit du 29 au 30 avril 1937 où se produisit le " fait extraordinaire" », véritable chemin de Damas qui le conduira au sacerdoce en décembre 1940 ; jusqu’à sa mort, il partagea sa vie entre sa charge sacerdotale et ses cours de philosophie à l’université.               

Marie-Jeanne Coutagne : À la vérité de toute mon âme..... La conversion de Ali Mulla-Zadé devenu Monseigneur Paul Ali Mulla Zadé  

Itinéraire spirituel de Mehémet Ali Mulla-Zadé (1882-1959), jeune musulman issu d’une famille turque de Crète, venu faire ses études en France, d’abord à Aix-en-Provence où il suivit les cours de Maurice Blondel ; baptisé sous le nom de Paul, ordonné prêtre en 1911, nommé professeur à l'Institut Pontifical d'Études Orientales (Rome) en 1924, il devint prélat d’honneur et fut cité par Pie XI dans son encyclique Rerum orientalium du 8 septembre 1928.

Signet 

Grégory Solary : John Henry Newman, la croyance au naturel 

C’est dans la Grammaire de l’assentiment (1870) que Newman expose le mieux la conviction qui l’habite dès le premier moment de sa réflexion sur le rapport de la foi et de la raison, centrale dans sa vie aussi bien que dans sa pensée : croire est naturel. Rappelant la phrase de saint Ambroise que Newman plaça en exergue – « Ce n’est pas par la dialectique qu’il a plu à Dieu de sauver son peuple » – l’auteur tente d’expliquer ce que Newman  entend par « assentiment » .


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