De nouveaux Maîtres-penseurs? 1. Entretien avec Maurice Clavel

Dossier:

De nouveaux Maîtres-penseurs? - Les "nouveaux philosophes"

 Une indifférence à l'égard de ceux qu'il faut bien appeler les « nouveaux philosophes » supposerait que les effets de publicité, en eux-mêmes, annihilent la vigueur de la requête, et que les ambiguïtés de l'engagement (voire les singulières tentations de la croisade) annulent le risque de la dissidence. Aussi présentons-nous un dossier qui ne se veut ni thuriféraire ni pourfendeur - et n'engage, à des degrés divers, que ses signataires. Ordinairement, le « nouveau philosophe » est situé par rapport à l'idéologie dominante : la «vulgate» marxiste. Si nous essayons de le jauger (et pas de le juger !) à la lumière chrétienne (que nous tentons de refléter sans la détenir), cela veut dire que nous posons des questions : qu'est-ce que penser, en dehors de Celui en qui toutes choses se dévoilent ? Comment penser hors de Lui, sans devenir à son tour « maître penseur » Pour approcher ces questions :

1. Le père, ou l'oncle, des « nouveaux philosophes » a bien voulu répondre à quelques inquiétudes et susciter quelques espoirs : Maurice Clave!, en ce dixième anniversaire, resitue dans le choc de mai 1968 ce qu'il reconnaît comme sien parmi ces esquisses encore diffuses d'une nouvelle pensée.

2. Un article de Pierre-Philippe Druet tente de discerner, à partir des tendances communes, les apports et les limites de la « nouvelle philosophie ».

3. Une série de recensions oppose l'ange et l'idole, nous fait passer de l'eschatologie inachevée à l'anthropologie assumée. (Michel COSTANTINI)

La première page, 84, est jointe.

DRUET : Votre pensée comporte deux aspects essentiels et indissociables : l'aspect philosophique et celui d'un témoignage de foi chrétienne. Quel rapport précis voyez-vous entre ces deux aspects ?

CLAVEL : Si je le savais !... C'est un fait, credidi et propter hoc locutus sum, j'ai cru et c'est pour cela que je parle. Et on a bien vu que dans tout ce que je faisais, c'était à la fois que je sentais avec Pascal que Dieu seul peut parler de Dieu et, d'autre part, qu'il fallait pourtant que je parle. Et comme on ne peut parler de Dieu (p.84) en direct sans jouer au prophète qu'on n'est pas, j'ai été amené à chercher des biais qui se sont trouvés être des biais philosophiques. Parce que je suis un homme de l'instant et un « journaliste transcendental », je cherche par là, avec des amis qui me sont très proches du coeur et de l'esprit, des terrains et des points communs. Quand j'ai dégagé, à propos de Socrate, ce thème que j'appelle du nom un peu barbare d'auto-transcendance humaine, il a rempli d'une assez grande joie Pierre Victor, le chef de la Gauche Prolétarienne et l'actuel collaborateur métaphysique de Sartre. Et quand Pierre Victor m'a dit que Sartre et lui cherchaient dans le même sens, ce n'était pas de l'œcuménisme à la gomme et à la tarte... Car enfin, il y a chez Sartre quelque chose, au moins dans sa conception de la liberté, qui n'est pas la transcendance, mais ressemble à l'auto-transcendance. Voilà qui me passionne.

DRUET : Plus intrinsèquement, diriez-vous que la démarche philosophique joue un rôle « propédeutique » par rapport à l'acte de foi ou au témoignage de foi ?

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