L'Église dans le camp : l'Europe chrétienne à Dachau

Ce ne sont ni les affinités, ni bien sûr une décision libre qui entassèrent, dans une baraque de Dachau, des prêtres de l'Europe entière. Leur communauté de contrainte n'en fut que plus chrétienne. Car l'Europe chrétienne n'apparaît peut-être jamais tant que quand elle est persécutée, fût-ce au nom de l'Occident.

La première page, 72, est jointe. Le texte pdf complet sera joint prochainement.

EN septembre 1976, l'association internationale « Saint Benoît, patron de l'Europe » s'est réunie pour son huitième congrès à Aix-la-Chapelle — la ville de Charlemagne, lui qui de son temps a su marquer l'Europe chrétienne de façon décisive. Cette association fait remonter son origine au jour de 1964 où, au Mont Cassin, le pape Paul VI a proclamé saint Benoît patron de l'Europe, en présence des évêques des pays européens rassemblés à Rome pour la troisième session du concile. En tant que représentant de l'épiscopat allemand; j'ai pu à l'époque y assister.

Lors d'un bref discours de clôture au congrès d'Aix-la-Chapelle, en évoquant cette origine, j'ai rappelé que déjà, vingt ans auparavant, une « Europe chré­tienne unie » avait été formée au coeur même de notre continent, au camp de concentration de Dachau, où les dirigeants du troisième Reich avaient ras­semblé, dans trois baraques, tous les prêtres internés de vingt nations euro­péennes. On avait en même temps séparé les prêtres de tous les autres prison­niers par une clôture spéciale pour empêcher les contacts dans les deux sens.

Le centre et le symbole de cette Europe chrétienne était la « chapelle » dans la baraque des prêtres au bloc 26 : un local qui de jour servait de lieu de travail, endroit certainement unique au milieu de l' « enfer ». Le pape Pie XII avait obtenu cette possibilité, et on l'avait aussi accordée pour avoir un alibi : on conduisait toujours dans cette baraque les commissions internationales qui visitaient le camp, pour leur donner une preuve d' « humanité ». Tous les matins, nous nous levions une demi-heure avant les autres internés, à trois heures et demie, pour célébrer l'Eucharistie. Le temps imparti était très mesuré (p.72) car nous étions harcelés et traqués en permanence. Mais tous les matins, les prêtres des vingt nations étaient rassemblés dans l'unique sacrifice du Seigneur. Et chose inoubliable, presque toujours — surtout dans la terrible année 1942 —, nous avions à inclure dans le memento un confrère qui avait rendu l'âme le jour précédent et qui avait été incinéré au crématoire tout proche de notre local.

A Dachau, en dépit de toute la misère humaine qui n'épargnait pas les prêtres — nous étions parqués et pourchassés dans un espace qui, vers la fin, était de 144 mètres carrés pour environ 400 hommes —, une authentique communauté européenne et chrétienne a grandi. Et aujourd'hui encore, elle agit dans les rassemblements réguliers de ses survivants. Sur les 3.000 prêtres internés, plus de 1.000 ont trouvé la mort à Dachau.

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Josef BUCHKREMER

(Traduit de l'allemand par Jean-Pierre Fels)

 

Mgr Josef Buchkremer, né en 1899 à Aix-la-Chapelle. Ordonné prêtre en 1923. Consacré évêque en 1961. Evêque auxiliaire et vicaire épiscopal pour le clergé régulier du diocèse d'Aix-la-Chapelle. Cet article reprend une allocution prononcée à l'occasion d'un congrès sur l'Europe chrétienne en septembre 1976.

 

 

 


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