De 1914 à 1918, les tranchées sont le tombeau du vieux monde et la matrice d’un nouveau. Qu’en est-il de la foi vécue par les combattants ? Les prêtres, portant parfois eux-mêmes les armes, ont-ils jamais été aussi proches des hommes ? A-t-on jamais dit la messe et reçu les sacrements dans des conditions aussi exceptionnelles ? L’expérience du front décape les usages et les certitudes d’avant-guerre, suscitant le geste et la parole, portant les hommes au-delà d’eux-mêmes, faisant surgir le Crucifié auprès des mourants et des vivants.
Éditorial : Olivier Chaline
Thème La religion des tranchées
Le prêtre au front
Emmanuel Petit : Le droit de l’Église et la Grande Guerre – Le salut des âmes à l’épreuve du front (1914‑1918)
La guerre fait évoluer le droit canonique vers plus de souplesse : les facultés pour l’administration des sacrements sont étendues et les règles en matière d’irrégularités partiellement relâchées. Répondre au besoin pastoral des soldats, suppose néanmoins le maintien d’un cadre hiérarchique approprié : une juridiction canonique proprement militaire, définitivement consacrée par la codification et largement réalisée en Europe.
Xavier Boniface : La Grande Guerre – Le prêtre parmi les hommes
La guerre place le prêtre parmi les hommes de son temps et le soumet au même régime qu’eux. Comment vit-il cette expérience ? Comment s’y adapte-t-il sur les plans spirituel, apostolique et humain ? Comment est-il perçu tant par l’Église-institution, dont il se trouve éloigné, que par les combattants qui le côtoient au quotidien ?
Jana de Croÿ : De Prague aux tranchées – Le père Eduard Stumpf, prêtre et héros
Dans le catholicisme d’État de l’Autriche-Hongrie, l’aumônier militaire semble à première vue plus proche des autorités politiques et militaires que de la troupe. Mais les archives réservent des surprises, ainsi les cartes du Père Stumpf, vicaire pragois devenu prêtre en première ligne, célébrant, confessant, organisant, visitant les avant-postes jusqu’au sacrifice de sa vie parmi ses ouailles.
Daniel Moulinet : La messe pendant la Première Guerre mondiale
Jusqu’où nécessités et circonstances de guerre malmènent-elles les règles canoniques régissant la célébration de la messe ? Le prêtre est un soldat, aussi exposé que ses ouailles dont il est plus proche. L’autel est parfois improvisé et le chant le fait d’une assistance d’hommes. La liturgie s’est adaptée à la guerre, en attendant que célébrants et fidèles retrouvent les pratiques antérieures.
Documents : Exhorter, assister, absoudre
Quelques documents permettent d’entrevoir une réalité négligée par les historiens : des recommandations, écrites et orales, pour vivre en soldat chrétien ; la pratique de l’absolution, donnée et reçue ; la manière d’assister les camarades blessés à mort qu’il faut préparer à paraître devant Dieu.
Prier et honorer les morts
Sante Lesti : Pour la santé du corps et le salut de la patrie – Le culte du Sacré-Coeur au front
Les archives de l’oeuvre de l’Insigne du Sacré-Coeur permettent d’analyser les différentes fonctions que le culte du Sacré-Coeur occupait chez les différentes catégories (militaires/ aumôniers, officiers/soldats) des croyants au front.
Documents : La tranchée, le ciel, l’arrière
La tranchée semble un monde nécessairement séparé de l’arrière. Mais quelques documents nous laissent saisir l’intensité des liens, visibles et invisibles, qui rapprochent les combattants de leurs familles et de leurs amis, de leurs camarades et aussi des protecteurs célestes qu’ils invoquent avec le relais de multiples intercesseurs.
Laurent Jalabert : Honorer les morts – Cérémonies, sépultures et monuments de la Grande Guerre (1914-années 1930)
Aux morts pour la patrie, il faut des sépultures décentes, des monuments sur des corps et non des cendres. Aussi bien l’armée que les familles se retrouvent dans ce culte dont les cérémonies, indissolublement religieuses et patriotiques sont un besoin et un devoir, pour les camarades survivants comme pour les proches qui ne peuvent se rendre sur la tombe, collective ou individuelle. L’après-guerre voit le culte des morts envahir tout le territoire. Le crucifié sur les tranchées
Gérard Donnadieu : Quand le caporal brancardier et aumônier auxiliaire Pierre Teilhard de Chardin est baptisé dans le réel
La guerre est un temps d’exceptionnelle fécondité pour le P. Teilhard de Chardin plongé dans le réel qu’il découvre rempli de fureur, de souffrance et de mort mais aussi illuminé par les moments de fraternité dans les tranchées, le courage dans l’épreuve partagée, le sentiment d’une proximité avec Dieu et d’une humanité en travail.
Irène Fernandez : Un jeune catholique anglais sur la Somme
J.R.R. Tolkien, tout juste marié, fut jeté dans l’horreur de la bataille de la Somme où il vit périr tous ses amis. En dépit des larmes et du sang, la découverte de la bravoure des simples soldats et sa foi en la Providence lui permirent de ne pas céder au désespoir.
Catherine Ambroselli de Bayser et Thomas Lequeu : George Desvallières (1861-1950) – Un artiste chrétien dans l’épreuve de la Grande Guerre
Où l’on découvre comment un chrétien a tenté d’unifier sa vie privée, sa vie d’artiste et de combattant au sein du terrible conflit, dans la foi au Christ souffrant et dans l’espérance de la valeur rédemptrice du sacrifice par amour.
Signets
Jean-Luc Marion : Catholique et français ? Où en est le catholicisme aujourd’hui en France ?
In memoriam : Philippe Dockwiller, o.p. (1971-2016)
In memoriam : Jean Mesnard (1921-2016)
Nous remercions Olivier Chaline et Jean-Robert Armogathe pour leur concours gracieux comme traducteurs.
Éditorial
Olivier Chaline
« Le canon est un prédicateur à la voix puissante » Lieutenant Jean‑Julien Weber, p.s.s. futur archevêque de Strasbourg.
« O prêtres qui êtes à la guerre […] souvenez‑vous qu’à côté des sacrements à conférer aux personnes, plus haut que le soin des âmes isolées, vous avez une fonction universelle à remplir, l’offrande à Dieu du monde tout entier […]. Vous êtes le levain répandu par la Providence tout le long du « Front », afin que, même par votre seule action de présence, la masse énorme de notre labeur et de nos angoisses soit transformée. Jamais vous n’avez été plus prêtres que maintenant, mêlés et submergés comme vous êtes, dans la peine et le sang d’une génération – jamais plus actifs – jamais plus directement dans la ligne de votre vocation. Merci, mon Dieu, de m’avoir fait prêtre, ‑ pour la Guerre. » Caporal brancardier Pierre Teilhard de Chardin s.j., Le prêtre, 8 juillet 1918.
« Seigneur, à nouveau les pentes du Golgotha sont peuplées. Il y a d’innombrables croix à l’ombre de la vôtre ». Caporal Jean Bellouard, Chemin de croix de ceux qui sont restés, douzième station.
« Souvenir avou sientte Vierje Marie Jusqua préssant vous m’avés conservé la vie je toujours confiance en vou pries pour nous qui avon recour avous ». Un soldat du Sud‑Ouest, sur le front d’Artois.
Balafres de feu : le front
À l’Ouest comme à l’Est, en Italie comme dans les Balkans, des zones âprement disputées ont pris une importance inouïe, formant ce qu’on s’est mis à appeler « le front ». On a combattu sur tous les terrains possibles, par tous les temps et avec tous les moyens disponibles, même si la concentration d’hommes et de matériels du front de l’Ouest est demeurée inégalée ailleurs. Un mot semble résumer la réalité d’une lutte devenue guerre de positions : les tranchées. Elles forment souvent plusieurs lignes de défense avec leurs abris et leurs boyaux, avec aussi de longs cheminements tortueux qui les relient à l’arrière-proche, aux hôpitaux, aux dépôts de munitions, aux troupes en réserve. Le front est un phénomène énorme dont nous pourrions avoir quelque peine à saisir aujourd’hui l’incroyable complexité. Ici on souffre, on meurt, on survit et, ne l’oublions pas, on tue. Ici se concentrent les forces de l’âge industriel produisant en masse armes, munitions, barbelés, blindages mais aussi uniformes, chaussures, ravitaillement. Ici sont utilisés les gaz de combat, les chars et les avions. Ici pleuvent les projectiles de tous calibres sur des combattants qui pourtant s’affrontent bien souvent d’homme à homme. Ici sont acheminés en nombre croissant des soldats de plus en plus jeunes ou de plus en plus vieux, venus bientôt de tous les continents. Ici se volatilise la jeunesse de l’Europe en même temps que sa domination du monde. Ici sont englouties des richesses immenses. Ici sombre l’idée de progrès. [...]
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Jean-Luc Marion : Catholique et français ? Où en est le catholicisme aujourd’hui en France ?
In memoriam : Philippe Dockwiller, o.p. (1971-2016)
Le frère Philippe Dockwiller est décédé le 19 août dernier dans des circonstances dramatiques. Il était membre du comité de rédaction et avait dirigé avec Miklos Vetö le numéro 2015-6 intitulé Il s’est anéanti. Nous avons demandé au frère Jean-Marie Gueullette, son collègue à l’Université Catholique de Lyon, d’évoquer sa mémoire
In memoriam : Jean Mesnard (1921-2016)
Le décès de Jean Mesnard, à plus de 95 ans, a surpris amis et disciples. Sans doute, ils savaient le Maître mortel, mais il occupait depuis si longtemps une place tellement éminente dans les études classiques que sa disparition semblait improbable. Si, dans les dernières années, le corps avait montré des signes de faiblesse, l’intelligence était restée intacte, brillante, parfois acérée, toujours charitable.
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