Les défits de Communio

Les défis de Communio

Quand, au début des années 1970, après des échanges avec d’autres membres de la Commission théologique internationale récemment créée, Hans Urs von Balthasar (1905-1988) a choisi d’appeler Communio une revue destinée à répondre aux besoins de l’heure, il a pris des risques.

C’était d’abord aller quelque peu à contre-courant que de brandir, comme signe de ralliement, et même comme programme, un mot d’une langue morte en dehors de l’Église, alors que l’adoption du vernaculaire était un symbole de l’aggiornamento de Vatican II. Certes, tous les textes qui y avaient été adoptés étaient en latin, à commencer par leurs titres : Lumen gentium, Dei Verbum, Gaudium et spes, etc. De plus, Balthasar ne faisait là que reprendre l’exemple donné par la revue nommée Concilium, fondée en 1963 et lancée en 1965, destinée à prolonger les recherches dont le concile avait tiré parti ¹. Balthasar et ses amis, dans la mouvance de la « Nouvelle Théologie ² » des « experts » à Vatican II, avaient d’ailleurs volontiers contribué à l’entreprise.

Cependant, ils ne la trouvaient pas assez fidèle au concile ! Ce n’était pas tellement sur le fond, car le reproche était plutôt une focalisation sur des aspects finalement secondaires ou dérivés de la foi ³, et un...

 1 Concilium continue de paraître avec les mêmes textes dans trois traductions (anglais, allemand et italien), à raison de 5 numéros par an depuis 1997 (il y en a eu 10 à l’origine, puis 6 à partir de 1985). Le comité de rédaction comprend 8 Européens (mais pas de Français), 7 Nord-Américains, 4 Latino-Américains, 3 Asiatiques et 1 Africain

 2 La « Nouvelle Théologie » qui prend forme dans les années 1930 peut se caractériser par la prise en compte des avancées de la pensée depuis la fin du XIXe siècle, en dépassant (mais sans la répudier) la néoscolastique qui avait permis de résister à la crise moderniste. L’expression a été lancée par le jésuite silésien Erich Przywara, qui mourut à 83 ans l’année (1972) du lancement des premières éditions (allemande, italienne et croate) de Communio. Il avait été un des mentors de Balthasar et aussi de Karl Rahner (1904-1984) considéré comme figure de proue de Concilium. Sur le différend entre Rahner et Balthasar, voir Vincent Holzer, Le Dieu Trinité dans l’histoire, Cerf, 1995

 3 Par exemple la liberté (illimitée ou pas ?) de recherche en théologie catholique, la présence réelle dans l’Eucharistie, le célibat ecclésiastique, la sexualité...