n°223 Mourir Septembre - Octobre 2012*


La revue a déjà traité ce thème dans son cahier n°2, (1975), mais il est abordé ici sous l’angle plus spécifique de la fin de vie, sujet d’une brûlante actualité. Il s’agit de réfléchir à ce qui se passe durant  ce temps dont nous ne maîtrisons pas la durée. Sont abordés aussi bien la question des soins palliatifs que celle du sens  de ce qui est vécu dans ces moments souvent très durs,  ceci valant pour tout homme et pour les chrétiens en particulier. Face à toute forme de prétendues maîtrises de nos vies au nom de la dignité, nous pouvons affirmer que  mourir est un temps à vivre jusqu’au bout, parce que quelque chose de la vie éternelle commence dès la vie et ce qui se passe au moment de la mort l’atteste. Pour un chrétien, mourir est un temps unique à vivre avec le Christ.

 Ont participé à ce numéro, Nicolas Aumonier (maître de conférences en Histoire et philosophie des sciences à l’Université des sciences de Grenoble, et membre de la rédaction francophone de Communio, qui en a mené la problématique et rédigé l’éditorial en insistant sur le fait que mourir peut prendre du temps.

Le Dr B. Denoyel  (Paris) décrit ce qui se passe dans l’unité de soins palliatifs (maison Jeanne Garnier) et L. Richard (Québec) réfute l’objection qui ferait de la sédation une « euthanasie déguisée ». A. Walker et I. Raguz rappellent le sens chrétien de la mort : mourir avec le Christ nous ouvre de manière décisive l’accès à la vie trinitaire. Mgr J.-P. Batut (évêque auxiliaire de Lyon)  réfléchit sur  le sens de l’affirmation traditionnelle «  la mort est la conséquence du péché » pour en réaffirmer la pertinence.

Des approches littéraires décrivent la façon dont nos contemporains peuvent  vivre leur mort ou la solitude de celui qui reste après la disparition d’un proche. (J.-H. Tück, professeur à L’université de Vienne, édition allemande de Communio et P. Cahné, professeur émérite  de langue et littérature française de  l'université de Paris-IV -Sorbonne,  et  recteur émérite de l’Institut catholique de Paris).

Enfin la partie Signets  propose une réflexion paradoxale – dont Rémi Brague (membre de l’Institut) a le secret – sur l’échec de l’athéisme et la nécessité d’une religion : l'athéisme n'a pas d'avenir, car il est incapable de répondre à une question fondamentale: en quoi est-il bon qu'il existe des hommes?

Page Titre Auteur(s)
5 Mourir, un temps unique à vivre Nicolas AUMONIER
15 Vivre et mourir en unité de soins palliatifs Bénédicte DENOYEL
29 La sédation palliative continue – une pratique légitime Louis-André RICHARD Michel L’HEUREUX
41 Le sens chrétien de la mort Adrian J. WALKER
46 Vivre la mort comme un don Ivica RAGUŽ
57 Exemption de la mort et victoire sur la mort – Sur le sens de l’affirmation traditionnelle « la mort est la conséquence du péché » Jean-Pierre BATUT
73 Mourir – Survivre – Rester Essai à propos de Judith Hermann, Alice Jan-Heiner TÜCK
89 « Si je ne le tue pas, ce rat va mourir » - Le linguiste, le philosophe et le dramaturge Pierre-Alain CAHNÉ
95 Un nouveau problème – L’échec de l’athéisme et la nécessité d’une religion Rémi BRAGUE
106 Pour introduire le concept d’identité dramatique de Jésus-Christ Xavier MORALÈS
120 Le sens de la beauté dans l’œuvre de Guy Bedouelle Didier LAROQUE

Éditorial : Nicolas Aumonier : Mourir, un temps unique à vivre

Mourir est un temps unique à vivre (et non à escamoter, voire supprimer avant l’heure) avec le Christ. En mourant, le Christ nous montre le chemin de l’obéissance totale qu’il pratique constamment dans la vie trinitaire. Mourir avec le Christ nous ouvre de manière décisive l’accès à la vie trinitaire.

Contexte médical: La fin de vie

Bénédicte Denoyel : Vivre et mourir en unité de soins palliatifs

Arriver dans une unité de soins palliatifs amène le patient à se poser de nombreuses questions angoissantes auxquelles il faut tenter de répondre. Soulager les douleurs physiques est plus aisé qu’apaiser la souffrance globale qui tourne souvent autour des notions de sens et de dignité. La famille du patient est, elle aussi, en grande souffrance et porte ses interrogations propres. Mourir est un processus qui prend un certain temps, de durée indéterminée, durant lequel les grandes fonctions vitales s’épuisent, conduisant au décès du patient. Ce chemin est parcouru de nombreuses questions éthiques, dont les principales sont les questions de limitation ou arrêt de traitement, et les questions de sédation.

Louis-André Richard et Michel L’Heureux : La sédation palliative continue – une pratique légitime

La sédation palliative continue, pratiquée de façon rigoureuse, est acceptable sur le plan éthique et se distingue de l’euthanasie par l’intention poursuivie, la réversibilité et le principe de proportionnalité.

Questions théologiques

Adrian J. Walker : Le sens chrétien de la mort

Le chrétien accepte la mort, et accepte que la mort soit pour lui un don qui le sauve. L’espérance chrétienne voit dans la doctrine de la survie de l’âme l’expérience du dépouillement radical d’une vie en Dieu qui nous sauve.

Ivica Raguz : Vivre la mort comme un don

La tradition religieuse, comme la pensée philosophique, tient que c’est le fait de vivre – ou ne pas vivre – la réalité de la mort qui confère son sens véritable à l’existence. Comment le chrétien est-il appelé à vivre son rapport avec la mort, et selon quelles modalités ? Les sacrements du baptême et de l’Eucharistie en constituent les lieux privilégiés.

Jean-Pierre Batut : Exemption de la mort et victoire sur la mort – Sur le sens de l’affirmation traditionnelle « la mort est la conséquence du péché »

Jamais, contre toute évidence empirique, l’humanité ne cessera de considérer la mort comme contraire à sa nature. En comprenant la nature comme une vocation, la tradition chrétienne ose affi rmer que la mort est le salaire du péché. Elle ne nie pas qu’un passage à une toute nouvelle condition d’existence soit nécessaire pour avoir part à la vie de Dieu, mais elle soutient que si l’homme n’avait pas péché, un tel passage eût été possible pour lui sans l’horreur de la dissolution de son être corporel. C’est à cause du péché que l’assomption de notre nature et le don de la filiation nous ont été obtenus par la mort rédemptrice du Fils.

Approches littéraires

Jan-Heiner Tück: Mourir – Survivre – Rester Essai à propos de Judith Hermann, Alice

En analysant le dernier ouvrage de Judith Hermann – cinq nouvelles qui évoquent la mort d’un proche ou plutôt, le fait de survivre, de rester – l’auteur pointe, derrière une apparente impassibilité, le désespoir souterrain des personnages, l’impuissance du langage face à la dernière extrémité. Il tente de comprendre le rôle que joue cette approche, dépourvue de toute forme de signifi cation, auprès de ses contemporains et de défi nir l’espace théologique dans lequel peuvent se situer de tels récits.

Pierre-Alain Cahné : « Si je ne le tue pas, ce rat va mourir »

Toute réflexion sur le vivant est une réflexion sur le mourant car mourir est la situation même de la conscience de l’homme au monde. À trop séparer la fin de vie de la condition humaine en général, on risque d’oublier que cette rupture, la mort, est au coeur de notre présence au monde.

Signets

Rémi Brague : Un nouveau problème – L’échec de l’athéisme et la nécessité d’une religion

On peut fournir une explication des phénomènes physiques qui se passe de l’« hypothèse Dieu ». On peut construire une société pacifi que sur l’intérêt mutuel, sans recours à la transcendance. Pourtant, l’athéisme n’a pas d’avenir, car il est incapable de répondre à une question fondamentale : En quoi est-il bon qu’il existe des hommes ? Pourquoi faudrait-il continuer librement l’aventure humaine si elle n’est que le résultat de forces aveugles ?

Xavier Morales : Pour introduire le concept d’identité dramatique de Jésus-Christ

La théologie narrative est à la mode. À l’occasion de la parution en France de la christologie d’Alberto Espezel, X. Morales évalue le concept d’« identité narrative » introduit pour décrire l’identité problématique de Jésus, à la fois personnage de l’histoire et objet de la foi ecclésiale, et décèle chez Balthasar les éléments pour construire une « identité dramatique » désignant au plus juste la personne du Fils, qui est ce que le Père éternel lui donne d’être.

Didier Laroque : Le sens de la beauté dans l’oeuvre de Guy Bedouelle

Le Père Guy Bedouelle († 22 mai 2012) s’est intéressé, dans les multiples sujets d’étude qui ont retenu son attention, à ce que l’oeuvre d’art a d’inexplicable. Cet hommage s’attache plus particulièrement à son approche du cinéma et éclaire sa conception particulière de l’esthétique.

Mourir, un temps unique à vivre

Nicolas Aumonier

Pensez à la mort de notre chère Mère, Soeur Blanche ! Qui aurait pu croire qu’elle aurait tant de peine à mourir, qu’elle saurait si mal mourir ! On dirait qu’au moment de la lui donner, le bon Dieu s’est trompé de mort, comme au vestiaire on vous donne un habit pour un autre. Oui, ça devait être la mort d’une autre (...). On ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à la place des autres, qui sait ? G. BERNANOS, Dialogues des Carmélites, IIIe Tableau, Paris, Gallimard, 1963, p. 1613.

La mort n’était pas naturelle, mais elle l’est devenue, car au commencement, Dieu n’a pas créé la mort, Il nous l’a donnée comme un remède [...] à cause de la transgression. SAINT AMBROISE, Homélie pour la mort de son frère Saturus, II, 47.

 

Dans les pages qui vont suivre, il ne sera pas question de la mort, dont nous ne savons presque rien, mais de ces derniers instants de vie, qui durent plus ou moins longtemps pour chacun d’entre nous, et dont l’épaisseur de temps constitue ce que nous appelons mourir. Même dans le cas d’une mort subite, mourir  prend toujours un peu de temps. Ce constat banal est au point de départ de ce cahier. Il convient d’en tirer tout ce qu’il implique – et, auparavant, de lever quelques ambiguïtés.

 1. Mourir, un temps unique

Le temps du mourir ne se laisse pas si aisément délimiter du vivant même de la personne qui y entre. Ceux qui meurent sentent souvent leur fin proche, en préviennent parfois leur entourage, qui peut ne pas entendre, tant il est difficile et contre nature pour un vivant de prendre au sérieux ou, simplement, d’entendre d’un être aimé l’annonce de sa mort prochaine. Inversement, ceux qui croient mourir peuvent aussi recouvrer quelques forces et se tromper en croyant mourir. Les mêmes erreurs de perception peuvent affecter les proches, et parfois les médecins eux-mêmes. C’est pourquoi il est plus facile, une fois la mort advenue, de ressaisir le moment où une personne a commencé de mourir.

Élargissant alors la perspective du côté de la vie morale, certains croient pouvoir dire que nous n’avons cessé toute notre vie d’expérimenter des petites morts de nous-mêmes, à mesure que nos forces déclinent et qu’il nous faut renoncer à l’image plus vigoureuse que nous pouvions avoir de nous-mêmes, au point que vivre, ou partir en voyage), ou philosopher nous apprendrait à mourir. Que toute éducation cherche à former la volonté et qu’une suite de petits ou grands renoncements librement acceptés puisse nous mettre sur la voie du renoncement total ne signifie pas pour autant que la mort puisse jamais être apprivoisée. Cette voie pourrait nous incliner à renoncer trop vite à la vie, à l’anesthésier, comme Nietzsche le reprochait aux Stoïciens, et nous faire perdre de vue la différence radicale qui sépare des renoncements partiels d’un renoncement total. [...]

 

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Rémi Brague : Un nouveau problème – L’échec de l’athéisme et la nécessité d’une religion

On peut fournir une explication des phénomènes physiques qui se passe de l’« hypothèse Dieu ». On peut construire une société pacifi que sur l’intérêt mutuel, sans recours à la transcendance. Pourtant, l’athéisme n’a pas d’avenir, car il est incapable de répondre à une question fondamentale : En quoi est-il bon qu’il existe des hommes ? Pourquoi faudrait-il continuer librement l’aventure humaine si elle n’est que le résultat de forces aveugles ?

Xavier Morales : Pour introduire le concept d’identité dramatique de Jésus-Christ

La théologie narrative est à la mode. À l’occasion de la parution en France de la christologie d’Alberto Espezel, X. Morales évalue le concept d’« identité narrative » introduit pour décrire l’identité problématique de Jésus, à la fois personnage de l’histoire et objet de la foi ecclésiale, et décèle chez Balthasar les éléments pour construire une « identité dramatique » désignant au plus juste la personne du Fils, qui est ce que le Père éternel lui donne d’être.

Didier Laroque : Le sens de la beauté dans l’oeuvre de Guy Bedouelle

Le Père Guy Bedouelle († 22 mai 2012) s’est intéressé, dans les multiples sujets d’étude qui ont retenu son attention, à ce que l’oeuvre d’art a d’inexplicable. Cet hommage s’attache plus particulièrement à son approche du cinéma et éclaire sa conception particulière de l’esthétique.


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