Franz Werfel (1890-1945)- "thelogoumena-sur l'Incarnation" -suivi de poèmes

Né en 1890 dans une famille de la bourgeoisie juive de Prague, Franz Werfel est un des grands écrivains de langue allemande du XXe siècle : ami de Max Brod et de Franz Kafka, il est une figure du monde littéraire viennois. En 1912, il travaille à Leipzig pour une jeune maison d’édition : il se lie alors avec Martin Buber et Rainer Maria Rilke. À partir de 1919, il vit avec Alma Mahler-Gropius (1879-1964), veuve du compositeur Gustav Mahler, ancienne maîtresse d’Oskar Kokoschka et femme de l’architecte Walter Gropius dont elle divorce en 1920. Ils se marient en 1929. Forte femme et esprit subtil, excellente musicienne et compositrice, Alma exerce une grande influence sur lui ¹. Son premier grand roman, Les Quarante jours de Musa Dagh (1933) fait revivre la résistance des Arméniens persécutés par les Turcs. Le couple Werfel quitte l’Allemagne en 1938 pour la France. En juin 40, ils se trouvent à Lourdes où Franz est très impressionné par la vie de Bernadette. Avec Heinrich Mann et Golo Mann (frère et fils de Thomas Mann), il passe en Espagne, puis au Portugal d’où il parvient à s’embarquer pour les États-Unis où il s’installe en Californie. Naturalisé américain en 1941, il écrit Le chant de Bernadette. Werfel meurt en 1945 d’une attaque cardiaque, à l’âge de 54 ans, quelques jours après avoir achevé l’ébauche de L’Etoile de ceux qui ne sont pas nés, son dernier roman paru posthume en 1946. Enfant, Werfel a été élevé par sa gouvernante catholique tchèque, Barbara Šimunková, qui l’emmenait souvent à la messe dans la cathédrale principale de Prague. Comme les enfants d’autres juifs germanophones progressistes à Prague, Werfel a été éduqué dans une école dirigée par les religieux Piaristes qui permettaient à un rabbin d’instruire les étudiants juifs pour leur bar-mitsva. Son intérêt pour le catholicisme demeure vif (Le voleur du ciel, 1939), et Le chant de Bernadette connaît un immense succès,relayé par le film réalisé en 1943 par Henry King ². À Hollywood, les Werfel retrouvent le P. Georg Moenius, sj (1890-1953), religieux allemand émigré, éditeur d’une revue antinazie. En juillet 1942, Werfel écrit à sa sœur : « pour moi [...], le catholicisme ne signifie rien d’autre que l’unique système spirituel encore présent dans le plat désert du matérialisme. Mais les juifs n’ont pas assez d’esprit pour comprendre qu’après la fin du christianisme ils seront un peuple tout aussi superflu que les Polonais ou les Bulgares ³ ». L’étoile de ceux qui ne sont pas nés se déroule en 2300, et tous les vivants sont profondément différents, sauf deux hommes, les deux derniers témoins de l’humanité telle qu’elle existait en 1943, l’évêque et le juif. L’utopie est alors ce qui donne sens à l’histoire : “nous ne nous éloignons pas seulement de Dieu dans le temps, mais nous nous rapprochons aussi de lui puisqu’en nous éloignant des choses, nous nous rapprochons de la fin de toutes choses...” En 1945, prononçant l’oraison funèbre de son ami, le P. Moenius insista sur le baptême de désir, valable pour tous ceux qui, sans avoir été baptisés, l’auraient vivement souhaité.

 1 On lira avec intérêt son autobiographie : Alma MAHLER, Ma vie, tr. fr. Gilberte Marchegay, Hachette, 1985

 2 Voir Ann W. ASTELL, « Artful Dogma : The Immaculate Conception and Franz Werfel’s Song of Bernadette », Christianity and Literature, automne 2012, 62, 1, p. 5- 28 (qui discute le jugement de Lionel B. STEIMAN, FW : The Faith of an Exile, From Prague to Beverly Hills, Waterloo, Ontario, Wilfrid Laurier University, lequel soutient le peu de fondement théologique de la dévotion [Frömmigkeit] de FW).

 3 Peter Stephan JUNGK, Franz Werfel. Une vie de Prague à Hollywood, tr. fr. Nicole Casanova, Albin Michel, 1990, p. 257

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