Newman poète-théologien- Redessiner l'au-delà chrétien dans l'imaginaire poétique anglais

Poète et théologien, Newman renouvela la doctrine du purgatoire en adoucissant l’enseignement du catholicisme anglais de son époque sur les fins dernières. Son poème Le Songe de Gerontius fait du purgatoire simplement le face à face du pécheur avec l’amour absolu de Dieu : un tel écart causera à l’âme des douleurs difficiles à supporter, peines cependant de pénitence et non de punition.

On lit souvent que le catholicisme de l’Angleterre du XIXe siècle doit à John Henry Newman (1801-90) de lui avoir redonné « une crédibilité intellectuelle ». En soi, soutenir cette thèse, comme le fit Léonie Caldecott ¹, est juste, mais il ne faudrait pas qu’elle laisse penser que la vie intellectuelle catholique d’outre-Manche a attendu l’entrée de Newman dans l’Église romaine (en 1845) pour se mettre à revivre. Dès la fin des années 1810, deux grands historiens catholiques un peu oubliés aujourd’hui publièrent des ouvrages qui eurent une grande influence à l’époque où Newman était encore étudiant à Oxford. Il y eut d’une part John Milner (1752-1826), ultramontain polémique et antiprotestant et, d’autre part, à l’opposé, John Lingard (1771-1851), catholique antiromain dont l’œuvre était considérée comme honnête et objective même par les protestants de son temps, et qui appartenait au méconnu Cisalpine Movement qui correspondrait en français au gallicanisme et qui fut élu membre correspondant de l’Académie des sciences morales et politiques ². Cela dit, il y a quelque chose d’incontestable dans ce que dit L. Caldecott, lorsqu’elle précise que l’épitaphe de Newman Ex umbris et imaginibus in veritatem, « De l’ombre et des images à la vérité », montre combien « nous sommes marqués par notre imaginaire, par notre culture, par des prémices non questionnées dont il nous faut sortir ». Ainsi, Newman interrogea l’imaginaire catholique anglais de son temps sur l’au-delà chrétien et le présenta d’une manière nouvelle dans Le Songe de Gerontius, un de ses deux poèmes les plus célèbres. Alors qu’on reconnaît volontiers Newman comme un des deux plus grands penseurs religieux du XIXe siècle anglais avec Samuel Taylor Coleridge (1772-1834), il faut noter que Newman a aussi marqué les lettres anglaises, et ce de plusieurs manières : d’abord en publiant des poèmes lorsqu’il était encore anglican, puis, une fois devenu catholique, deux romans de conversion (l’un au catholicisme, Loss and Gain/Perte et gain [1848], l’autre au christianisme, Callista [1855]), mais surtout en faisant le récit de sa conversion [...]

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1 Voir Céline Hoyeau, « L’héritage universel du cardinal Newman », La Croix, 18/09/ 2010 [consulté le 26/03/2022], https://www.la-croix.com/Religion/A

2 Voir ces notices dans le Dictionnaire des auteurs catholiques des îles britanniques, Gérard Hocmard (dir.), Paris, Cerf, 2021.